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MASA 2016

GROUPES ARTISTIQUES SÉLECTIONNÉS

PARTENAIRES DU MASA 2016

CATALOGUE OFFICIEL MASA 2016

RENCONTRES PROFESSIONNELLES          Télécharger le rapport

 

Comme de coutume, la 9e édition du MASA s’est souciée d’offrir aux divers acteurs du monde culturel et artistique un cadre d’échanges apte à faciliter la diffusion de connaissances et d’expériences ainsi que le développement de réseaux.

Le thème central des rencontres professionnelles était cette fois celui du MASA tout entier : «Réinventons les arts de la scène ».

Quatre matinées ont été consacrées à ces rencontres qui ont enregistré la participation de responsables politiques et institutionnels et de nombreux artistes et opérateurs culturels.

L’organisation des rencontres a été assurée comme il suit :

Supervision générale :                  Yacouba Konaté

Présidence :                                    Lupwishi Mbuyamba

Invité d’honneur :                          Ray Lema

Coordination :                                Jean-Honoré Koffi et Ayoko Mensah

Modération :                                   Koné Donikpo et Ayoko Mensah

Rapport :                                         Alain Aboa, Salif Yéo et Véronique Rieffel, rédacteurs,

Lyssone Johnson Diomandé et Isabelle Bosman, réviseurs,

et tous les orateurs qui ont bien voulu revoir la synthèse de leurs propos.

1. Ouverture

La séance d’ouverture a été honorée par la présence du représentant du Ministre de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire, du Sous-secrétaire Général du Groupe des Etats ACP, du Ministre de la Culture du Burkina Faso et du représentant résident de l’UNESCO en Côte d’Ivoire, ainsi que de l’artiste de renommée mondiale Ray Lema.

Le Directeur Général du MASA, le professeur Yacouba Konaté, a commencé par souligner que, comme chacun peut l’observer, l’organisation du MASA souffre encore de nombreuses petites imperfections qui devront trouver des solutions.

Il a ensuite rappelé que le MASA est une organisation internationale pilotée par un Comité Artistique International (CAI). Le projet artistique de cette 9è édition qu’il a dessiné en tant que Directeur Général a été validé par ce comité avant d’être soumis au Conseil d’Administration du MASA, constitué du Ministre de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire, du Gouverneur du district autonome d’Abidjan et de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Le thème des rencontres professionnelles a lui aussi été validé par le CAI.

M. Konaté a ensuite salué tous les bâtisseurs du MASA ainsi que toutes les institutions, les personnalités et les professionnels qui participent à l’événement. Il a salué en particulier la présence des responsables du programme « ACP Cultures + », car le MASA est à la recherche de collaborations pour mieux contribuer au renforcement du dialogue entre les cultures. Au nom du CAI, il a aussi rendu hommage à M. Lupwishi Mbuyamba qui a contribué à étayer l’argumentaire des rencontres. Enfin, il a vivement remercier Ray Lema, qui a joué un rôle moteur dans la conception du programme artistique du MASA et dans son ouverture aux diasporas en encourageant la participation d’un groupe brésilien.

2.      La Coalition mondiale des Artistes pour l’histoire générale de l’Afrique

2.1     Genèse et promotion de l’histoire générale de l’Afrique

M. Yao Ydo, représentant résident de l’UNESCO en Côte d’Ivoire

La plupart des préjugés raciaux sur les Africains prennent leur source dans l’idée que le continent n’aurait pas d’histoire ni de civilisation majeure. Quand on trouve des traces qui témoignent de hauts niveaux de sophistication sociale et culturelle, on leur cherche une origine extra-africaine.

Cette vision négative a été méthodiquement construite pour justifier l’esclavage et la colonisation. En 1830, dans son ouvrage intitulé La raison dans l’histoire, le grand philosophe Hegel affirmait : « Ce continent n’est pas intéressant du point de vue de sa propre histoire, mais par le fait que nous voyons l’homme dans un état de barbarie et de sauvagerie qui l’empêche encore de faire partie intégrante de la civilisation. (…) Ce que nous comprenons en somme sous le nom d’Afrique, c’est un monde anhistorique non développé, entièrement prisonnier de l’esprit naturel et dont la place se trouve encore au seuil de l’histoire universelle. (…) Car elle ne fait pas partie du monde historique. »

L’esclavage et la colonisation sont désormais bannis mais les discours persistent. En 1963, alors que la majorité de nos Etats avaient accédé à l’Indépendance, Hugh Trevor-Roper, éminent professeur d’histoire moderne à Oxford, notait encore : « Aujourd’hui, les étudiants veulent qu’on leur enseigne l’histoire de l’Afrique noire. Peut-être y aura-t-il à l’avenir un peu d’histoire africaine à leur enseigner, mais pour l’instant il n’y en a pas. Il n’y a que l’histoire d’Européens en Afrique. Le reste est obscurité… et l’obscurité n’est pas un sujet d’histoire ».

Ces discours continuent à polluer les esprits. Partout dans le monde, ils nourrissent le racisme ordinaire envers les Africains. Pire, des Africains finissent eux-mêmes par les intérioriser et adoptent des attitudes conformes à ces préjugés.

Dès le lendemain des Indépendances, les jeunes Etats se sont insurgés contre ce déni d’histoire et d’humanité et ont demandé à l’UNESCO de les aider à produire une autre histoire du continent, rédigée à partir de perspectives africaines. Le projet a été lancé en 1964. Il a mobilisé près de 350 spécialistes africains de différentes disciplines qui ont utilisé toutes les sources accessibles, orales, écrites et artistiques. Il a duré 35 ans et a débouché, en 1999, à la publication de huit volumes très denses. Cet ouvrage démontre que de toutes les régions du monde, l’Afrique a la plus longue histoire et a longtemps joué un rôle directeur dans la construction des civilisations.

En 2008, les Etats africains ont demandé à l’UNESCO de les aider pour que l’histoire soit enfin enseignée sous ce prisme sur le continent. L’UNESCO a donc lancé un processus de révision de l’enseignement de l’histoire dans les écoles et prépare des outils tels que des manuels pour les enseignants et un atlas historique. Simultanément, l’organisation réfléchit aux autres moyens de promouvoir ces nouveaux contenus. L’expression artistique est à n’en pas douter un moyen privilégié. Ray Lema nous à fait l’honneur de se porter volontaire pour être le porte-flambeau de cette entreprise.

2.2  Les artistes et la promotion de l’histoire africaine

Ray Lema, président de la Coalition

J’ai ressenti une profonde indignation quand j’ai eu connaissance des propos tenus par les scientifiques occidentaux avant que l’histoire de l’Afrique ne soit enfin écrite sous une perspective africaine. C’est la raison pour laquelle j’ai de suite accepté lorsque l’UNESCO m’a demandé de contribuer à fédérer et sensibiliser les artistes du continent. Comme le dit un proverbe, il est difficile de savoir où l’on va quand on ne sait pas d’où l’on vient.

Il est essentiel que les artistes de toutes les disciplines mettent leur inspiration au service de ce que l’Unesco appelle « la transmission de notre histoire aux peuples », par le biais de supports attrayants.

Il reste cependant un obstacle : si les huit volumes de l’histoire générale de l’Afrique sont inaccessibles à la majorité des gens, ils sont aussi très indigestes pour les artistes. Pour cette raison, j’ai demandé à l’Unesco de produire une version abrégée. Lorsque celle-ci sera disponible, les artistes pourront la lire et se l’approprier pour la traduire ou s’en inspirer dans leurs créations, qu’ils œuvrent dans la musique, le théâtre, le cinéma, la littérature, la bande dessinée ou d’autres disciplines.

En attendant, l’Unesco a déjà rédigé une déclaration d’engagement et invite les artistes à la signer pour signifier leur volonté de contribuer à la diffusion de l’histoire africaine. J’encourage les artistes à rallier cet engagement. Je saurai ainsi que je peux faire appel à eux pour participer à des échanges sur la question, pour solliciter leurs avis et conseils, pour les inviter à prendre ou participer à diverses initiatives et pour approcher les autorités afin qu’elles réforment les programmes d’enseignement de l’histoire dans nos pays. Grâce à leurs cerveaux fantaisistes, les artistes pourront en effet non seulement contribuer directement à la vulgarisation de l’histoire africaine envers les populations, mais aussi trouver les bons arguments pour sensibiliser les autorités.

2.3     Échanges avec l’assistance

La présentation de la coalition et des résultats qu’on en attend a suscité plusieurs questions.

  1. La durée du projet.

M. Yao explique que le projet n’a pas de durée prédéfinie, il s’achèvera une fois les résultats atteints.

  1. Les acteurs appelés à participer. Les artistes sont-ils les seuls concernés par cette entreprise de diffusion et vulgarisation de l’histoire de l’Afrique?

M. Ydo comme Ray Lema soulignent l’ampleur du projet. Il nécessite une stratégie générale à laquelle chacun devrait participer à la mesure de ses compétences : les artistes et les opérateurs culturels qui les entourent, mais aussi les responsables politiques, les médias et tout autre acteur qui peut jouer un rôle. Ray Lema insiste : quiconque a de la créativité devrait se joindre au projet.

Pour ce qui est du milieu artistique, la déclaration d’engagement permettra de constituer un noyau d’artistes qui pourront à leur tour faire connaître le projet dans leurs réseaux et y rallier un nombre toujours plus grand de créateurs. La coalition maintiendra le contact avec les artistes du noyau qui deviendront ainsi des relais pour une participation de plus en plus large.

  1. Les moyens qui seront mis à la disposition des artistes qui voudraient participer au projet. Recevront-ils l’aide de la coalition pour s’approprier le projet ? Leur sera-t-il possible d’introduire des requêtes de financement pour la réalisation d’initiatives allant dans le sens souhaité, par exemple la réalisation et la diffusion de dessins animés et de séries télévisées ?

A cette question, Ray Lema répond que les artistes qui auront des idées pour contribuer à l’entreprise ne pourront évidemment pas se contenter d’en faire part à la coalition et à l’Unesco et d’attendre qu’ils les réalisent. Par contre, il s’engage solennellement à répondre à tout artiste qui l’appellera à ce sujet.

M. Yao annonce qu’une réunion est prévue dans deux semaines à Paris pour lancer un processus d’appel à idées. Aujourd’hui même, il a une réunion avec un dessinateur ivoirien pour échanger sur l’importance de la bande dessinée comme outil de communication envers les enfants.

  1. Le volet scolaire du projet.

M. Ydo souligne que depuis 2009, l’Unesco demande que cette histoire soit enseignée dans les écoles et aussi dans tous les autres systèmes d’éducation : les cadres informels, les programmes d’alphabétisation pour adultes etc. C’est un très large processus.

3.      Conférence du programme ACP-UE d’appui aux secteurs culturels : « ACP Cultures + »

3.1     La coopération régionale, un levier de développement pour les arts de la scène

SEM Léonard-Emile Ognimba, Sous-secrétaireGénéral du Groupe des Etats ACP

SEM Léonard Emile Ognimba a tenu avant tout à saluer la mémoire d’Ismael Diaby, PDG de Mediapolis et conseiller du MASA, brutalement décédé le 23 février dernier. Ayant eu l’occasion de le rencontrer, SEM Ognimba a souligné qu’il avait une grande admiration pour sa compétence et son expertise ainsi que pour sa contribution à la relance du MASA, et exprimé toute sa sympathie à ses proches et à la grande famille du MASA.

SEM Ognimba a ensuite remercié les autorités ivoiriennes et le professeur Konaté pour l’invitation adressée au Secrétariat ACP.

Le MASA est à ses yeux un événement emblématique. Dans un contexte de crises politiques, sociales et économiques qui fragilise les industries culturelles ACP, il est très positif que la Côte d’Ivoire ait réussi à relancer cet événement favorable au développement et à la visibilité des dites industries.

Le Secrétariat du Groupe ACP se réjouit donc d’accompagner le MASA et, plus largement, les industries culturelles ACP, avec l’appui de l’UE. SEM Ognimba s’est aussi félicité que cet appui aille en se renforçant. Le 3è programme d’appui ACP-UE aux industries culturelles, doté de 30 millions d’euros, a favorisé la diversité et le développement culturels et contribué à réduire la pauvreté. Il a permis de financer 55 projets dont beaucoup concernent les arts de la scène.

3.2     La coopération culturelle de l’UE dans les pays ACP

Denise Richert, chargée des programmes culturels ACP à la Commission Européenne-DG Devco

Le MASA constitue un événement majeur qui permet au Secrétariat du Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et à la Commission européenne d’échanger avec les professionnels du secteur acteurs et de promouvoir notre programme d’appui.

En septembre 2015, les Nations Unies ont adopté de nouveaux objectifs de développement qui mettent l’accent sur le développement durable. En y adhérant, l’UE s’est engagée à œuvrer pour éradiquer la pauvreté et soutenir un développement économique, social et environnemental durable, ainsi que pour promouvoir la démocratie, l’état de droit, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et contribuer à la construction d’une paix durable.

La culture a un rôle fondamental à jouer pour réaliser ces objectifs. Elle contribue notamment à stabiliser les sociétés en agissant sur trois leviers : le dialogue interculturel, la diffusion des idées de justice, de progrès et de paix, et le développement économique à travers la création d’emplois et de richesses matérielles et immatérielles.

Le Fonds Européen de Développement (FED) a plusieurs instruments financiers pour appuyer le secteur culturel au niveau national, au niveau sous-régional et au niveau intra ACP qui concerne 78 pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Malgré le contexte de crise économique et financière, on observe une augmentation des montants alloués à la culture. Ainsi, l’enveloppe consacrée à la culture au niveau intra-ACP est passée de 8 millions d’euros sous le 8è FED à 14 millions sous le 9è FED puis à 30 millions d’euros sous le 10è FED. Cette dernière enveloppe a permis de soutenir 55 projets dont trois seront présentés tout à l’heure. Pour la suite, un nouveau programme doté de 40 millions est prévu. Il devra permettre d’accroitre les recettes économiques du secteur créatif et de contribuer à la reconnaissance, la valorisation et l’accessibilité des cultures ACP.

La Commission Européenne et le Secrétariat du Groupe ACP réfléchissent actuellement aux axes de ce prochain programme. Pour nourrir cette réflexion, plusieurs études sont prévues ou déjà en cours, en particulier une évaluation des programmes précédents et des études sur les dernières tendances du secteur, notamment l’apport du numérique. Nous venons aussi de lancer une étude relative aux impacts économiques et sociaux des festivals. L’expert qui en a la charge est ici et nous organiserons cet après-midi une première réunion à ce sujet avec les directeurs de festivals présents au MASA.

Ces initiatives seront suivies par des concertations avec les professionnels du secteur et les autres bailleurs de fonds. Le rôle des acteurs de terrain est essentiel car c’est à eux qu’il appartient de détecter les besoins des populations et de sensibiliser les autorités à l’importance d’intégrer la culture dans leurs politiques de développement. Quant aux bailleurs de fonds, ils font face au défi d’assurer une diffusion optimale de l’information, d’échanger leurs expériences et leurs bonnes pratiques et de coordonner leurs actions pour développer des synergies.

3.3     Réalisations du programme

3.3.1   Résultats atteints

Valerio Caruso, assistant technique chargé de la communication

Le programme « ACP Cultures + » a pour objet d’appuyer la pérennisation et la viabilité des industries culturelles ACP afin de contribuer à la lutte contre la pauvreté. Il poursuit cinq objectifs : la mise en valeur de la diversité des expressions culturelles ACP, l’élargissement de l’accès des biens et services culturels ACP aux marchés locaux, régionaux, intra-ACP et internationaux, un renforcement des capacités des opérateurs culturels ACP, le développement des partenariats intra-ACP et ACP-UE, et enfin, une amélioration de l’environnement réglementaire des secteurs de la culture dans les pays ACP. Lancé en 2010 et doté de 30 millions d’euros, ce programme a financé 55 projets et permis à plus de 200 opérateurs culturels de travailler en partenariat dans plus de 60 pays ACP. Par ce biais, il a donné d’importants résultats. Il a permis notamment la production et la diffusion de plus d’une centaine de biens et services culturels, la promotion de nouveaux talents, l’organisation de formations intensives qui ont valorisé l’expertise du sud et renforcé les compétences artistiques, techniques et managériales de nombreux acteurs, le renforcement de structures existantes, le développement de partenariats sud-sud et la constitution de réseaux professionnels. Le programme a aussi eu d’importantes retombées sur les économies locales. Enfin, il a eu un effet de levier et encouragé l’implication des autorités nationales et locales dans le secteur culturel. En Côte d’Ivoire par exemple, les autorités sensibilisées à l’importance du cinéma entendent revoir la loi qui le régit et augmenter les fonds destinés à l’audiovisuel. A Madagascar ou encore en Ethiopie, les projets mis en oeuvre avec l’appui du programme ont permis de pérenniser des festivals.

3.3.2   Outils réalisés

Charlotte Morantin, assistante technique chargée de la composante Politiques culturelles

Dans le cadre de ses efforts visant à soutenir l’amélioration du cadre légal et réglementaire régissant le secteur culturel, le programme ACP Cultures + a réalisé des études et mis en place des outils qu’il continue à enrichir, en particulier :

–          un répertoire d’outils d’appui à la mise en place et au renforcement de politiques et de statistiques culturelles ACP,

–          un recensement des dispositifs d’appui existants dans les ACP,

–          une base de données incluant environ 50 bailleurs de fonds hors d’Afrique,

–          une étude sur les formations culturelles dans les pays ACP,

–          un espace documentaire doté d’un moteur de recherche qui donne accès à environ 500 documents,

–          une newsletter électronique consacrée à l’actualité des industries culturelles ACP et des politiques qui les concernent,

–          un répertoire de tous les films soutenus dans le cadre de la coopération ACP-UE.

Tous ces outils sont accessibles sur le site Internet du programme. Les professionnels de la culture sont également invités à rejoindre sa page Face book.

3.4     Bonnes pratiques de coopération régionale : présentation de trois projets bénéficiaires

3.4.1   Projet Tilgré

Kira Claude Guingané, directeur de l’Espace Culturel Gambidi, Burkina Faso

L’Espace Culturel Gambidi sis à Ouagadougou inclut le Centre de Formation et de Recherche en Arts Vivants (CFRAV), des espaces de création et de diffusion, une compagnie théâtrale et une radio.

Le projet Tilgré est né d’une analyse des difficultés qui freinaient le développement du centre et plus généralement l’émergence d’une industrie du théâtre, et d’une réflexion sur les éléments de solution qui pourraient être apportés.

La première conclusion de l’analyse a été que tant qu’elles restent isolées, les écoles de théâtre ont beaucoup de mal à assurer le financement de leur fonctionnement et de leurs activités. Ce constat a donné lieu à la conception d’un projet qui bénéficie à l’Espace Culturel Gambidi mais aussi à d’autres organisations culturelles qui souffrent des mêmes difficultés. Le projet a consisté à mettre en réseau quatre écoles de théâtre – le CFRAV, l’Ecole Internationale de Théâtre du Bénin (EITB), l’Institut National Supérieur des Arts et de l’Action Culturelle (INSAAC) en Côte d’Ivoire et le Conservatoire Royal de Mons Arts2, en Belgique – et à développer un partenariat avec l’Institut International du Théâtre (IIT), très actif dans la promotion.

Une telle mise en réseau permet de développer les synergies sur tous les plans : la formation, la production et la diffusion.

En ce qui concerne la formation, le réseau permet de mobiliser rapidement les expertises nécessaires en puisant dans les ressources humaines des structures membres. C’est un outil formidable pour l’organisation de cours de qualité. Concrètement, huit Master Class ont été organisées pour les élèves des quatre écoles. Elles leur ont permis de renforcer leurs compétences en marketing et communication notamment, afin qu’ils puissent désormais fourbir leurs propres outils de promotion. Elles leur ont aussi permis de tisser des liens qui leur permettront de s’entraider dans l’avenir.

Le projet a également permis d’initier trois coproductions qui associent des élèves et des metteurs en scène des écoles membres. Une quatrième création est prévue.

Quant à la diffusion, le réseau offre des avantages évidents. Dès sa constitution en 2013, il a permis au Festival International de Théâtre et de Marionnettes de Ouagadougou (FITMO) d’accueillir des spectacles produits par les écoles membres et de les faire circuler dans les trois autres pays.

Le réseau a donc donné des résultats immédiats et d’autres écoles souhaitent de le rejoindre.

La réussite du projet tient principalement à deux facteurs. D’une part, il a pris en compte les préoccupations réellement ressenties par les professionnels de terrain. D’autre part, il a été conçu avec la participation active de tous les membres du réseau.

Les résultats atteints démontrent combien la coopération entre professionnels peut porter de fruits. Il est essentiel de travailler ensemble, par-delà les frontières. L’union fait réellement la force.

3.4.2   Projet Festival Africa Fête Itinérant (FAFI)

Rokhaya Daba Sarr, Tringa Musique, Sénégal

L’objectif du projet était d’internationaliser le festival Africa Fête.

Ce festival a été créé en 1978, à Paris, par Mamadou Konté. Il a promu de nombreux artistes qui sont devenus des célébrités internationales, comme Manu Dibango, Salif Keïta, Youssou N’Dour, Ismaël Lô, Baaba Maal, Angélique Kidjo, Touré Kunda, Kassav, Cheikh Lô, Didier Awadi et beaucoup d’autres. Il est géré par deux associations basées l’une à Dakar et l’autre à Marseille, Tringa Musiques et Développement et Cola Production. Nous l’organisons chaque année à Dakar, en décembre, et l’avons rapidement amené dans d’autres régions du Sénégal, dans le souci de promouvoir les artistes locaux que nous n’avions pas les moyens de faire venir à Dakar et parce que la politique culturelle du Sénégal met un fort accent sur la décentralisation. A Marseille, le festival a lieu en juin. Sa programmation combine des artistes confirmés, des artistes en émergence et des jeunes talents.

Depuis trois ans, grâce au soutien du programme ACP Cultures +, le festival a pu s’étendre au Bénin et au Cameroun. Trois éditions ont été organisées à Cotonou, deux à Yaoundé.

Les objectifs du projet sont de promouvoir la diversité musicale africaine et les nouveaux talents, de favoriser la création entre artistes, de rendre les concerts accessibles à de larges publics et d’appuyer la professionnalisation des acteurs culturels africains, tout ceci dans le but de contribuer au développement du continent. Son budget global s’est élevé à 400.000 euros, soit plus de 260 millions de francs CFA. Les réalisations et les résultats peuvent être éloquemment résumés en quelques chiffres :

–          quatre rencontres de planification avec les partenaires et un atelier de lancement qui a réuni une dizaine de partenaires locaux, régionaux et internationaux,

–          une dizaine de conférences de presse et cinq diffusions de films documentaires,

–          une résidence artistique dans chacun des pays concernés et deux ateliers radiophoniques,

–          près de vingt pays et plus de trente associations impliqués,

–          près de deux cent groupes programmés dans une centaine de soirées, plus de cinq cent artistes et professionnels de la culture impliqués,

–          une trentaine d’artistes et de professionnels qui ont pu circuler en Afrique et en Europe,

–          des retombées pour les artistes programmés, dont une dizaine a participé à d’autres manifestations, ainsi que pour les autres parties prenantes,

–          une équipe de plus de cent personnes, cinquante prestataires de services et cinquante bénévoles,

–          plus de trente mille spectateurs.

Le projet a été pour nous un catalyseur d’efficacité. Sa mise en oeuvre a considérablement renforcé la notoriété et la crédibilité des associations Tringa Musiques et Développement et Cola Production ainsi que de leurs partenaires, l’Amicale des Artistes pour le Progrès (AAP) au Bénin et Irondel au Cameroun. Le festival est désormais inscrit à l’agenda culturel et touristique du Sénégal et de Marseille, et Tringa est invité à participer aux réflexions du ministère de la culture et de la communication du Sénégal sur les stratégies de développement du secteur culturel. Le projet nous a aussi permis de construire un réseau fondé sur une solide dynamique de coopération entre des professionnels qui partagent les mêmes buts, à savoir soutenir la création, valoriser les artistes et leurs œuvres et assurer leur circulation. Enfin, il a contribué à notre propre professionnalisation en nous permettant de pérenniser les postes de responsable financier et de directeur de production, d’harmoniser nos méthodes de travail et de mutualiser nos compétences.

En définitive, les facteurs clés du succès du FAFI ont été les suivants : un partenariat diversifié et dynamique, un travail approfondi de planification stratégique et opérationnelle, et la très grande attention accordée à la communication sur tous les supports et par tous les médias possibles.

3.4.3   Projet Sud-planète

Maud de la Chapelle, association Africultures, France

L’association Africultures, basée en France, produit depuis 1997 une revue consacrée aux arts et cultures d’Afrique. Mais elle est désormais plus connue pour le site web qu’elle entretient et la newsletter qu’elle diffuse régulièrement.

Le projet Sudplanète a été lancé en 2006. Une anecdote permet de mesurer les besoins auxquels il répond. C’est l’histoire d’un écrivain camerounais qui s’est adressé à l’association Africultures pour qu’elle l’aide à envoyer son manuscrit en France. L’association l’a informé de l’existence de maisons d’édition au Cameroun et, deux semaines plus tard, il en a trouvé une qui de son côté, se plaignait de trouver trop peu d’auteurs dans le pays. Des dizaines d’histoires semblables démontrent que les acteurs culturels se connaissent beaucoup trop peu.

Sudplanète a été créée pour connecter les gens et faciliter l’échange d’informations sur les artistes, les divers opérateurs du secteur, les produits culturels tels que les films, les albums musicaux ou les spectacles, les formations, les bourses, les dispositifs de financement etc. Elle est aujourd’hui, de loin, la plus grande base de données sur les cultures des pays ACP. Il existe certes beaucoup d’autres bases de données, mais la plupart sont faibles. Lors de son démarrage, Sud Planète procurait des informations sur 4.000 acteurs. Elle compte aujourd’hui près de 43.000 entrées. Le site offre aussi plusieurs facilités à ses utilisateurs, en particulier des outils pour faciliter les recherches, un espace projet qui leur permet de présenter leurs initiatives et de faire connaître leurs besoins en termes notamment de collaborateurs, et un outil qui permet aux professionnels de créer leur propre site Internet en quelques clics, gratuitement et avec l’assurance qu’il sera maintenu dans la durée.

3.5     Échanges avec l’assistance

A propos du projet FAFI, un hommage a été rendu à la mémoire de Mamadou Konté, le fondateur d’Africa Fête.

Les échanges ont commencé par quelques témoignages relatifs à la réussite d’autres projets soutenus par le programme ACP Cultures +, en particulier des projets réalisés au Sénégal et le projet initié par l’artiste ivoirien Taxi conteur. Intitulé « Conter le développement », ce projet a contribué à donner au conte ses lettres de noblesse : le conte est désormais considéré comme une discipline artistique à part entière et non plus comme un art mineur.

La suite des échanges a révélé que beaucoup d’artistes et d’opérateurs partagent certaines préoccupations.

  1. L’équité du programme

Des opérateurs ont le sentiment que le programme privilégie l’Afrique de l’Ouest et néglige les autres sous-régions, notamment l’Afrique Centrale, alors que de beaux projets y sont conçus.

SEM Ognimba et Mme Richert assurent que le programme n’a pas de sous-région ni de pays privilégiés. Les acteurs de tous les pays ACP sont éligibles à ses appuis.

  1. Le fait que la majorité des acteurs culturels ne sont pas en mesure de poser leur candidature.

Deux aspects de ce problème ont été soulevés. D’une part, il est en soi extrêmement difficile de monter un projet qui réponde aux attentes du programme. D’autre part, les artistes ne sont pas des opérateurs et ne souhaitent pas le devenir car ce serait au détriment de leur créativité, de sorte qu’ils ont particulièrement besoin d’aide pour monter des projets et faire acte de candidature. D’où la question des formations et de l’assistance que le programme peut apporter.

Mme Richert a répondu qu’il est important que les acteurs se préparent assez tôt aux éventuels appels à propositions à venir, par exemple en étudiant les lignes directrices des appels précédents pour se familiariser avec leur logique. Certes, présenter un projet demande beaucoup d’énergie, mais plusieurs projets sont retenus à chaque appel et la perspective de bénéficier de 400.000 euros justifie de faire des efforts. Le programme ACP Cultures + ne peut pas organiser lui-même des formations ni donner aucune assistance directe, pour des raisons de transparence et d’équité. Tout ce qu’il peut faire, c’est publier sur son site Internet des lignes directrices aussi claires que possible et organiser des séances d’information au siège du Secrétariat ACP à Bruxelles et dans les délégations de l’UE dans les pays ACP. Mme Richer a souligné qu’il existe par ailleurs de nombreuses organisations qui proposent des formations en montage de projets.

SEM Leonard-Emile Ognimba a lui aussi souligné qu’il appartient aux acteurs culturels d’exploiter les outils mis à leur disposition, en particulier les lignes directrices. Il a assuré que ses services ont eu des contacts avec les conseillers et les attachés culturels des ambassades des Etats membres du Groupe pour qu’ils contribuent à informer les opérateurs culturels.

Concernant le second aspect du problème, Rokhaya Daba Sarr et Maud de la Chapelle ont insisté sur la nécessaire professionnalisation du secteur. Elle implique de ne pas confondre les métiers. Effectivement, les artistes ne sont pas des opérateurs culturels et il n’est pas souhaitable qu’ils consacrent leur énergie au montage de projets ni à tous les défis d’ordre administratif qu’implique le dépôt d’une candidature. Professionnaliser le secteur implique de développer des structures qui soient formelles et réunissent les compétences nécessaires. Mme Sarr a pu constater que de nombreuses entreprises culturelles se créent mais meurent rapidement faute de compétences. C’est la raison pour laquelle Tringa et Africa Fête organisent régulièrement des formations envers les différents professionnels qui doivent entourer les créateurs.

Pour ce qui est du programme ACP Cultures +, Mme Richert a insisté pour que les artistes qui voudraient monter un projet s’adjoignent une personne compétente en la matière, qui pourra être l’interlocuteur de l’assistance technique si ce projet est sélectionné et subventionné.

  1. La difficulté de créer des réseaux

La mise en réseau s’affirme de plus en plus comme une condition nécessaire au développement des industries culturelles et est l’un des critères d’attribution de subventions du programme ACP Cultures +. Mais beaucoup d’opérateurs estiment qu’il est très difficile de créer ou d’intégrer des réseaux. Le Kolatier, par exemple, s’est efforcé de créer un réseau pour mieux coordonner les dates des festivals de la sous-région, en vain. D’où la question de savoir ce que le programme pourrait faire pour encourager et aider les acteurs culturels à travailler ensemble.

M. Guingané a invité ses homologues qui ont échoué dans la création de réseaux à ne pas se décourager mais au contraire à persévérer en tirant des leçons de l’échec. Créer et asseoir un réseau performant nécessite selon lui de réunir plusieurs conditions. Il faut être soi-même suffisamment passionné pour convaincre les personnes avec lesquelles on souhaite travailler. Il faut construire ensemble le projet du réseau, ses objectifs et ses activités. Il faut aussi des rencontres physiques, Internet ne suffit pas.

Mme Rokhaya Daba Sarr a quant à elle insisté sur la transparence de la gestion des finances du réseau. Beaucoup de problèmes sont liés à des questions d’argent. Quand un projet reçoit une subvention de l’UE, les parties prenantes ont tendance à penser qu’il y a beaucoup d’argent et qu’ils peuvent en réclamer une grande part. Parmi les obstacles au réseautage, Mme Sarr a aussi pointé les entraves à la circulation des personnes et notamment les problèmes de visas.

  1. Le développement de fonds d’appui locaux

Les fonds européens sont certes utiles mais ils ne suffisent pas. En règle générale, le milieu culturel souhaite que les Etats ACP eux-mêmes mettent en place des fonds d’appui. Seul un petit nombre d’entre eux l’a fait. D’où cette question adressée au Secrétariat du Groupe ACP : tente-t-il d’encourager ses Etats membres à mettre en place des mécanismes nationaux ou locaux d’appui au secteur culturel ?

SEM Ognimba a félicité l’assistance d’aborder de telles questions relatives à la politique de leurs pays. Il a rappelé que le Groupe ACP est une organisation intergouvernementale dont la politique en matière de culture est définie tous les deux ans par les ministres de la culture des Etats membres. Il encourage les acteurs culturels à s’adresser directement à leurs gouvernements pour traiter de cette question. De telles opérations de plaidoyer sont aussi une bonne motivation pour créer des réseaux.

Mme Sarr a elle aussi insisté sur la nécessité d’élargir le cercle des partenaires financiers. La culture et sa diversité ont besoin de partenaires plus nombreux et diversifiés qu’il n’en existe actuellement. Le secteur culturel devrait réfléchir sérieusement à cette question.

4.      Réinventer les arts de la scène : enjeux esthétiques et de diffusion

A travers le monde, les arts de la scène sont en pleine mutation. Décloisonnement des disciplines et des esthétiques, utilisation des technologies digitales, recherche de modes de diffusion alternatifs pour toucher de nouveaux publics ou renouveler l’expérience artistique, les champs de recherche et d’exploration sont multiples. Des artistes et des professionnels reconnus, engagés chacun à leur manière dans de nouvelles pratiques, sont venus au MASA pour partager leurs recherches, leurs projets, leurs questionnements et leurs utopies.

4.1     Introduction

Lupwishi Mbuyamba, directeur de l’Observatoire des Politiques Culturelles en Afrique (OCPA)

Je voudrais dire quelques mots du cadre général dans lequel s’inscrivent les réflexions que nous allons mener à l’occasion de ces rencontres.

Le thème « réinventer les arts de la scène » s’adosse à des questions qui sont de trois ordres : des questions artistiques, des questions liées à la tradition africaine, et des questions liées aux pratiques de création et de diffusion.

Voyons d’abord les questions artistiques. L’art est né dès que l’homme a pris conscience de sa présence au monde. Dès ce moment, l’homme a cherché à exprimer ses sentiments, ses perceptions, les questionnements et les angoisses que lui inspirait son environnement dans des formes artistiques, en peignant, en dansant, en produisant de la musique ou par d’autres médiums. Ainsi, dès son apparition, l’art s’est affirmé comme une expression de la vie elle-même.

La continuité de ces expressions sur une terre donnée et sur une période assez longue donne lieu à ce qu’on appelle la tradition, qui permet d’affirmer une identité liée à cette terre et cette durée. La géographie et l’histoire se rejoignent ainsi dans la tradition pour définir les contours d’identités culturelles et artistiques particulières.

Cependant la tradition est une chose complexe. Elle doit composer avec les élans créatifs des artistes et avec le dynamisme ambiant, en particulier l’intérêt et les attentes de sociétés dont les critères changent au fil du temps et des contingences. Ces sociétés sont les publics, l’auditoire, les consommateurs de la chose artistique. Elles l’accueillent, l’adoptent ou la rejettent.

C’est là qu’intervient la régulation. La régulation traduit les orientations que la société organisée veut privilégier ou défendre. Les pouvoirs publics formulent ces orientations dans des directives, des politiques culturelles.

La renaissance africaine est une volonté politique inspirée par le souci collectif de préserver nos identités des risques qui les menacent. Il ne s’agit bien entendu pas d’imposer quoi que ce soit aux artistes. Une politique ne crée pas elle-même et l’artiste échappe à toute politique. La politique n’est là que pour jouer un rôle de veille et d’incitation.

La politique de la renaissance africaine appliquée aux domaines du spectacle est née d’un sursaut de préservation et de promotion d’une identité culturelle. Le monde dans lequel nous vivons connaît des changements spectaculaires. La question à laquelle cette politique voudrait apporter des éléments de solution est de savoir comment, dans ce tourbillon, garder un certain cap, comment se positionner face aux intérêts du reste du monde, comment participer au mouvement et accueillir les changements sans égarer la société dans la forêt touffue de technologies souvent mal maîtrisées.

L’artiste est comme un démiurge, il veut que son expression porte loin et fort. Comment faire, dans un environnement globalisé, pour que sa voix et sa volonté s’affirment aussi chez lui, dans son environnement le plus proche, même s’il intègre des nouveautés qui semblent étranges au public local ? C’est une préoccupation qui concerne particulièrement les arts du spectacle.

La réinvention des arts de la scène dépendra de l’existence de trois piliers au moins : la volonté des artistes de se faire connaître et de laisser une trace, une empreinte ici, là et au-delà, ici et partout dans le monde ; une politique d’intégration et de consécration par les publics d’ici et d’ailleurs ; et des actions telles que le MASA qui s’inscrivent dans une politique culturelle commune et mettent en évidence les responsabilités des pouvoirs publics à l’égard des arts et de la culture.

Cette 9è édition présente de nombreux artistes très engagés dans la recherche de nouveaux styles d’expression et la conquête de nouveaux publics. Soutenir cette réinvention d’arts anciens pour des temps nouveaux, c’est bien cela, le fondement et la justification du MASA.

4.2 Enjeux esthétiques

4.2.1   Le cas particulier de la danse contemporaine, par Serge-Aimé Coulibaly (Burkina Faso)

Danseur-chorégraphe, Serge-Aimé Coulibaly dirige la Cie Faso Danse Théâtre. Il se produit un peu partout dans le monde est actuellement en résidence aux Halles de Schaarbeek, à Bruxelles, Belgique.

Réinventer les arts de la scène…

Même si tout le monde n’en a pas conscience, l’Afrique se réinvente chaque jour. Il appartient en principe aux artistes de témoigner de ce dynamisme.

Lorsqu’on va aux Etats Unis, on voit partout des sans abri. Si la réalité de ce pays est si éloignée de l’idée qu’on s’en fait, c’est parce que les artistes (du moins ceux de la culture mainstream) choisissent de ne nous en montrer que certains aspects. En Afrique aussi, on a tendance à donner au reste du monde l’image qu’il se fait de nous. Mais est-ce un choix ?

La culture musicale africaine se réinvente tout le temps car c’est dans l’ensemble une culture populaire, en phase avec ses publics.

La danse contemporaine l’est moins. Elle est donc beaucoup plus confrontée à des questions essentielles. Pour qui créons-nous ? Avec quels financements ? 95 % de nos productions sont tournées vers le reste du monde. Cette situation influence inévitablement nos choix artistiques. Une création chorégraphique accompagnée de musique traditionnelle mandingue, par exemple, sera jugée trop peu contemporaine par les financeurs extérieurs. On aura beau défendre la tradition et son côté contemporain, les financeurs potentiels nous reprocheront l’absence de référence européenne. Comme si nous rejetions Cendrillon parce qu’il n’y est pas fait référence à l’Afrique…

Les artistes peuvent essayer d’imposer leurs limites mais ce n’est pas simple. La diffusion et l’esthétique s’imbriquent car les questions du financement et du public sont inséparables.

Pour réinventer la danse en Afrique, il faut que les artistes parviennent à créer librement, donc avec leurs propres moyens. Il faut réfléchir à des stratégies d’autofinancement.

C’est ce que nous cherchons à faire dans l’espace que nous avons créé à Bobo-Dioulasso, un laboratoire international de recherche, de résidence et de production des arts de la scène nommé Ankata. Nous essayons de tout maîtriser depuis la base. Pour résoudre le problème d’argent, nous commençons à faire la mise en scène de mariages. Si nous parvenons à assurer la mise en scène de quatre à six mariages par semaine, nous pourrons financer nos créations et serons moins dépendants de l’Occident pour la production de nos spectacles. Nous contactons aussi des entreprises et des banques et leur proposons des coaching et team building basés sur des exercices de danse.

Nous nous référons à l’exemple du Kotèba : dans notre culture traditionnelle, le public était au cœur de la création. Nous avons créé à Bobo Dioulasso un concours de danse solo, nommé Simply the Best, qui met l’accent sur de nouveaux critères de sélection et de présentation des spectacles. Le but est de tirer parti de toute la jeunesse créative qui peuple nos pays pour trouver des formes et des manières vraiment innovantes de nous montrer à nos populations, et réinventer ainsi réellement notre manière de nous présenter aux autres parties du monde. C’est en replaçant nos créations dans leur milieu que nous trouverons les manières de les proposer à notre société et, dans les mêmes formes, à d’autres sociétés.

4.2.2   L’art est partout, par Valérie Oka (Côte d’Ivoire)

Valérie Oka est une artiste plasticienne dont la production est proche des arts de la scène. Elle est également conseillère culturelle auprès du ministre de l’intégration africaine.

Je suis performer et mon travail consiste principalement à faire des performances et des installations. Un genre d’art de la mise en scène en dehors de tout contexte scénique conventionnel, avec une démarche de remise en cause radicale des codes établis de la représentation.

Comment définir l’expression artistique contemporaine ? Pour moi, chaque chose en ce monde mérite d’être considérée comme une oeuvre d’art. La vie, les êtres humains, les relations entre eux, la nature sont des œuvres d’art. Partant de ce principe, vous êtes une œuvre d’art.

L’art, c’est d’être en vie et capable d’échanger. Si on a conscience de ce fait, le travail artistique trouve sa place partout et est en perpétuelle réinvention, tous les cloisonnements s’effondrent. Je voudrais procéder sans cesse à une réinvention de l’espace de l’expression artistique.

Voyez l’exemple du spectacle que Salia Sanou a présenté à l’Institut Français. Son projet est né d’un concept, une matrice dans laquelle chaque composante du spectacle s’inscrit. C’est une nouvelle interprétation de la scène sur laquelle chacun vit ses propres émotions. Face à cela, chacun ressent ce qui se passe par rapport à son propre vécu, chacun se sent concerné. La contemporanéité, c’est la mise en relief de ce qui magnifie la vie. C’est la mise en évidence de ce petit quelque chose qui nous fait frémir devant un autre être.

Dans cet esprit, autour d’une thématique et d’une mise en scène conceptuelle, dans mes performances, j’utilise souvent des personnes comme medium d’expression pour magnifier la vie et notre condition d’être. Dans mon travail, j’ai ce constant besoin de créer une synapse, une connexion entre l’œuvre, la scène et le public. Le spectateur devient de ce fait lui aussi une part de l’œuvre.

Pour exemple, je prendrai la performance où j’ai réuni cinquante-quatre personnes sur la place de l’Etoile rouge, un axe central très fréquenté à Cotonou au Bénin, pour former une barrière humaine soutenue par une mise en scène qui a bloqué le trafic, pendant neuf minutes, à l’heure de pointe. L’objectif était que chaque partie prenante à l’œuvre, dans cet acte artistique hors d’un contexte conventionnel, prenne conscience du rôle (victime ou acteur) qu’il joue dans la pollution atmosphérique.

En somme, je dirais que l’esthétique et la réinvention de l’art n’ont pas de limites. Elles dépendent seulement de notre ouverture d’esprit, de notre créativité personnelle et collective. La création contemporaine n’a plus forcément besoin d’espaces dédiés comme des centres d’art ou des théâtres. Partout dans le monde, elle est en train de redéfinir ses territoires.

Serge-Aimé Coulibaly vient d’évoquer le décalage entre l’Afrique et l’Europe. De fait, nous subissons toujours certains effets de la colonisation. Nos productions ont été longtemps considérées comme des nègreries. L’Occident colonisateur a voulu tout cloisonner et a finalement enfermé les gens en les asphyxiant par leurs propres limites. Mais de nouvelles tendances se font jour. Beaucoup de gens en Occident privilégient l’ouverture et veulent casser les barrières entre les gens. L’Afrique a été, est et restera une source d’inspirations créatives. Il nous appartient d’exprimer notre art, notre culture et de cesser de nous considérer nous-mêmes comme les derniers. Je suis convaincue que le secteur culturel en Afrique est sur le point de faire un gigantesque bond, vu sa créativité et les besoins croissants de contenus créatifs. C’est à nous de redéfinir les choses et de parler avec nos propres mots, en utilisant les nouveaux modes de communication, pour nous raconter au monde.

4.2.3   Tous les aspects du théâtre sont à réinventer, par Adama Traoré (Mali)

Adama Traoré a fondé et dirige la Cie Acte Sept et le Festival du Théâtre des Réalités. Acteur-clé du milieu culturel malien, il assure la vice présidence du Réseau Kya et la présidence de la Coalition Malienne pour la Diversité Culturelle. Il est aussi à l’origine de plusieurs colloques internationaux sur les arts de la scène.

Le Mali a une très ancienne tradition théâtrale qui s’est traduite dans de nombreuses formes originales et populaires. A partir des années 40, il a reçu le théâtre conventionnel européen. Les gens de théâtre ont alors été atteints d’une sorte de sénilité précoce. Ils sont entrés dans une logique de décalcomanie et n’ont plus créé que pour les centres culturels français, sans réaliser que leur tradition théâtrale se mourrait faute d’approches et de métiers capables d’en valoriser toutes les formes et de les adapter aux temps modernes. Le théâtre s’est ainsi retrouvé dans l’impasse. Alors que l’espace circulaire du Kotèba unissait les publics aux comédiens, le théâtre conventionnel a mis les uns et les autres en boîte. Très vite, il n’y a plus eu de spectacle hors du centre culturel français ou du théâtre national.

Le Festival du Théâtre des Réalités est né dans ce contexte. Sa première édition a eu lieu en 1996. Créer un festival était alors le seul moyen d’aller vers des publics plus larges. On l’a nommé « réalités » pour signifier « ce à quoi je m’identifie ». Le festival nous a donné l’occasion de travailler sur les contenus, car il en va du théâtre comme du thé ou de la bière : il faut du jus sous la mousse. Le festival a un côté éditorialiste : chaque édition porte sur un thème. Nous avons dû et nous devons encore relever beaucoup de défis. Le premier a été d’adapter l’espace et le moment des représentations, car les transports en commun cessent de circuler passée une certaine heure. Un autre défi a trait à la formation des personnes qui travaillent pour le festival. Dans un environnement où tout manque, un festival est nécessairement bien plus qu’un cadre de diffusion. A la différence des directeurs de festivals en Europe qui peuvent se concentrer sur la question de quoi présenter, ceux d’Afrique doivent aussi se poser la question du comment. C’est une question très complexe car rien n’est donné au départ. Même si des financements semblent acquis, ils posent généralement des problèmes de décaissement.

Les festivals sont une donnée essentielle pour le théâtre en Afrique mais ils ne suffisent pas à assurer son développement.

Que faire ? Tous les aspects de la représentation théâtrale posent question : l’utilisation de l’espace, les éléments dramatiques, le jeu d’acteur, la lumière… Tout est à réinventer. La Cie Acte Sept s’est penchée sur une pièce d’un écrivain malien qui était aussi griot et l’a mise en scène dans un espace éclaté. Cette expérience a montré que beaucoup d’éléments para-verbaux peuvent enrichir la représentation. L’éclairage aussi pose question. Pour sortir des salles conventionnelles, nous devons inventer une nouvelle esthétique fondée sur la basse tension.

La réinvention des arts de la scène sera avant tout une question de formation. Les termes « industries culturelles » ont deux sens. Si on les entend comme production de masse, ils ne s’appliquent pas aux arts de la scène. Si on les entend comme une production qui met en oeuvre toute une chaîne de métiers, ils s’y appliquent bel et bien et il est grand temps que dans chaque pays d’Afrique, les arts de la scène deviennent de véritables industries. Nous devons parvenir à maîtriser nos services et nos biens culturels et en finir avec la gestion folklorique de la culture.

C’est pour moi le défi essentiel. Je veux pouvoir jouer partout au Mali et tout au long de l’année les spectacles que je crée à Bamako. C’est ainsi que nous créerons une économie innovante qui nous permettra de sortir de la malédiction de la recherche de financements.

4.2.4   L’Afrique a une longueur d’avance, par Christophe Galent (Belgique)

Christophe Galent est directeur des Halles de Schaarbeek, à Bruxelles, Belgique.

Je voudrais faire deux observations préliminaires.

Chacun le sait, la musique africaine inspire le monde. Mais l’Afrique a des artistes extrêmement créatifs, des talents incroyables, dans les autres secteurs des arts de la scène, et je suis heureux que le MASA contribue à mettre en valeur aujourd’hui le théâtre et la danse.

Par ailleurs, Monsieur Ydo rappelait hier la vision que l’Europe a longtemps eue de l’Afrique comme d’un « monde anhistorique ». Je crains qu’aujourd’hui ce ne soit plutôt l’Europe qui soit en panne d’histoire, tandis que le continent africain construit l’avenir. L’Afrique et le MASA doivent avoir de grandes ambitions, à la hauteur de ce moment historique.

Réinventer les arts de la scène, aujourd’hui, ce n’est pas d’abord inventer des formes pluri ou multidisciplinaire. C’est, de façon plus générale et plus profonde, réinventer les relations entre les artistes et les populations. Pour qui travaille dans cet esprit, le Kotèba traditionnel a clairement une longueur d’avance sur l’Europe. Je crains qu’à rester dans le cadre défini par les découpages sectoriels de ses ministères, la culture européenne ne finisse par tourner à vide et rate son rendez-vous avec les transformations profondes de nos sociétés. Nos politiques culturelles européennes manquent de vision. Nos personnages politiques s’y intéressent de moins en moins, sauf à considérer la culture comme un levier économique, un atout pour le tourisme.

Les arts de la scène continuent d’évoluer dans le cadre d’une séparation scène/salle née à un moment précis de l’histoire européenne, en corrélation avec une pensée de la représentation – technique, scientifique, politique – aujourd’hui défaillante. Les cloisons que nous élevons depuis le 16è siècle, entre la salle et la scène, entre les publics et les acteurs, devraient être dynamitées au bénéfice de la rencontre. Les jeunes générations ne veulent plus d’une relation aussi passive avec les arts. Dans la longue histoire de nos cultures, l’institution de ce rapport scène/salle est relativement récent. Avant cet enfermement de la chose scénique, d’autres modes de création artistique ont eu cours : qu’on songe par exemple aux Grandes Entrées, envahissant l’espace de toute une ville et mêlant tous les arts, aux mystères médiévaux, intriquant déambulation populaire et mémoire symbolique.

Les Halles de Schaarbeek s’efforcent de chercher les voies d’un nouveau rapport entre créateurs et populations. Notre espace s’y prête : les Halles ne comportent pas de séparation scène/salle, elles gardent mémoire d’avoir été un espace d’échange avant d’être espace de spectacle. Notre travail consiste à faire surgir de l’improvisation, de la rencontre entre les artistes et les populations, à effacer les frontières entre les créateurs et les personnes qui entrent aux Halles, et à faire entrer dans ce lieu et ce dispositif des gens qui n’y viendraient jamais, en jouant sur des codes populaires comme le « parc d’attraction ». Créer ce flou est essentiel si nous voulons expérimenter d’autres rapports que ceux de l’artiste sur le plateau, face au public dans la salle.

Les arts de la scène en Europe dépériront si l’artiste reste dans une posture de démiurge. Nous présentons volontiers des artistes en train de fabriquer leur spectacle, au vu et au su de gens qui passent ou s’attardent. Nous tentons d’établir des dispositifs curieux, d’exploiter des lieux et des recoins particuliers de la ville. Les relations que ceci permet d’établir modifient les conditions de la création. C’est parfois difficile pour les artistes car ils veulent rester propriétaires du sens de leur spectacle, or nous les plaçons dans un dispositif qui ne leur permet pas d’anticiper ce qui va se passer. C’est difficile pour tout le monde, pour toute la chaîne des métiers culturels et artistiques qui attendent des objets clairement identifiés. Mais nous préférons l’improvisation et la rencontre car nous y voyons un moyen de remettre les artistes en phase avec les courants de fond de la société, de faire surgir l’art dans des endroits qui ne sont pas identifiés comme « artistiques ». Et de ce point de vue, il me semble que nous avons beaucoup à apprendre de l’Afrique.

Ainsi, si nous produisons le prochain spectacle de Serge-Aimé Coulibaly, c’est que dans sa première partie il s’agira d’une chorégraphie classique (interprètes au plateau, public en salle), mais que dans la seconde, inspirée des maquis, nous souhaitons amener le public sur le plateau, effacer les frontières entre artistes et public, entrer dans l’improvisation.

L’approche des Halles illustre donc ces nouvelles tendances à l’ouverture dont Valérie Oka parlait tout à l’heure. En Europe, nous sommes encore peu nombreux à les expérimenter, pourtant je suis convaincu que c’est l’avenir. Si nos arts « de la scène » ne trouvent pas de nouveaux modes d’existence, ils deviendront en deux générations des arts de musée. Serge-Aimé Coulibaly disait qu’il était intervenu en tant qu’organisateur de mariages. Un mariage a été célébré il y a trente-cinq aux Halles, par hasard, à un moment où la salle n’était pas encore institutionnelle. Je rêve d’instaurer ce genre de pratiques, inventer des fêtes publiques à l’occasion de mariages privés, dynamiter les cadres institutionnels de nos espaces pour y inscrire plutôt quelque chose de l’ordre du rituel, du festif noué au quotidien, faire surgir l’art là où nous ne l’attendons pas, de créateurs mais aussi de gens qui ne s’y attendent pas. A cet égard nous avons beaucoup à apprendre des anciennes pratiques de l’Afrique et de celles qui y sont en cours de réinvention. Nos artistes ont grand intérêt à nouer le dialogue avec les vôtres.

4.2.5   Echanges avec l’assistance

Les échanges avec l’assistance ont porté principalement sur cinq points.

  1. Les défis essentiels

Le détricotage des cloisonnements de toutes sortes qui ont été imposés à l’Afrique (entre la salle et la scène, les publics et les artistes, les disciplines) paraît être le défi essentiel que le secteur des arts de la scène doit relever. C’est à cette condition qu’il pourra se reconnecter avec les publics d’Afrique et offrir aussi une source d’inspiration aux autres parties du monde, l’Europe en particulier. Plusieurs expériences vont en ce sens. Pour les étendre, il faudra approfondir la réflexion sur les diverses manières d’opérer et les priorités.

Un intervenant s’inquiète des risques que peut représenter une rupture avec les habitudes. Faut-il faire table rase de l’existant, par exemple les pratiques de présentation sur la scène internationale, ou essayer de l’améliorer ?

Selon les orateurs invités, le passé est indispensable pour avancer. Il ne s’agit pas d’en faire table rase. Il s’agit de redonner une place à d’anciennes pratiques africaines qui permettaient aux artistes de créer, d’être connectés avec leurs publics et de vivre de leur art.

Quant au positionnement international, pour M. Galent, le principal enjeu est dans l’esthétique de la relation entre les artistes et les populations. C’est par la contribution qu’ils peuvent apporter dans le renouvellement de cette relation que les artistes africains auront la plus grande influence sur la scène internationale.

  1. Les obstacles au droit à l’esthétique

Le droit à une esthétique africaine est de plus en plus revendiqué. Il se heurte toutefois à deux problèmes majeurs : l’essentiel des financements vient de l’extérieur, ce qui a un fort impact sur les thématiques et l’esthétique des créations ; et ceux qui ont la clé des formations ont pour la plupart été eux-mêmes formés à l’étranger.

Sans négliger l’importance de ces obstacles, Serge-Aimé Coulibaly estime que les rapports entre l’Afrique et le reste du monde commencent à changer. Il y a toujours de nouveaux chevaux et ils sont de plus en plus nombreux sur le continent. Les artistes se présentent au monde comme ils le veulent, comme ils veulent que le monde les regarde.

  1. Le cadre légal dans lequel évolue l’artiste

Plusieurs intervenants ont rappelé que dans la plupart des pays, les artistes continuent d’évoluer dans un environnement légal et juridique très défavorable. Il estiment qu’une priorité doit être donnée à l’amélioration du statut de l’artiste, sa protection sociale et la protection de ses œuvres.

Valérie Oka souligne que la situation à cet égard s’améliore dans plusieurs pays, et surtout, qu’il est trop facile, et probablement peu efficace, d’attendre que l’Etat fasse tout le nécessaire pour améliorer les conditions de vie des artistes. Il est clair que le cadre légal et juridique pourrait être plus favorable, mais les artistes sont en grande partie maîtres de leur destin. C’est à eux qu’il appartient d’inventer de nouvelles manières de tirer une rémunération des biens et des services qu’ils produisent.

Adama Traoré rappelle que les droits ne se donnent pas comme des cadeaux, ils se prennent. Il existe aujourd’hui des dispositifs internationaux sur lesquels les artistes peuvent s’appuyer pour revendiquer plus de droits, notamment la convention Unesco de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

  1. L’importance des réseaux

Plusieurs artistes et opérateurs s’inquiètent de l’isolement dans lequel se trouvent la majorité des acteurs culturels. Les réseaux existants, tels celui des Alliances et des Instituts Français, ne restent-ils pas une solution pour améliorer la diffusion ? Si les acteurs culturels ont plus d’opportunités de se déplacer sur le continent, ils seront mieux à même de repérer ce qui se fait ici et là et de mettre en place une plate-forme qui travaille notamment sur les questions de formation.

La réponse à cette question est claire : il faut d’une part créer de nouveaux circuits de diffusion, d’autre part multiplier les réseaux. M. Galent insiste sur la nécessité de créer des circuits de diffusion qui puissent être maîtrisés par le secteur culturel africain lui-même, pour faire face à l’avidité des quelques gros groupes internationaux qui essaient de mettre la main sur tout.

  1. La place des arts militants

Un artiste s’est interrogé sur la place que le MASA fait aux arts engagés. Il lui semble qu’il s’intéresse bien plus à la musique festive qu’à la musique militante, or celle-ci est essentielle pour le développement social et politique.

Les orateurs rappellent que la sélection des artistes a été assurée par un comité artistique international qui, à leur connaissance, n’avait pas instruction de privilégier les œuvres festives par rapport aux œuvres plus militantes.

4.3     Enjeux de diffusion

4.3.1   Le numérique au service des arts du spectacle, par Bruno Guglielminetti (Canada)

Bruno Guglielminetti est spécialiste des nouvelles technologies et des médias numériques. Depuis 1994, il suit leur développement et en particulier leur utilisation dans les domaines du spectacle.

Quand on leur parle des progrès en matière de technologies de l’information et de communication, beaucoup d’artistes pensent avant tout piratage. Les arts du spectacle tels que la danse et le théâtre sont aujourd’hui infiniment moins victimes de piratage que la musique. Peut-être l’holographie viendra-t-elle un jour modifier cette situation, peut-être pourra-t-on voir apparaître dans son salon une compagnie présentant un spectacle, mais on n’en est pas encore là.

Grâce aux progrès des technologies numériques, de plus en plus de gens ont accès à des outils de plus en plus flexibles.

Ces technologies procurent aux artistes d’extraordinaires capacités de communiquer sur les spectacles qu’ils produisent. Les réseaux sociaux donnent à chacun la possibilité de mettre en oeuvre de larges campagnes d’information et de promotion, d’en observer les résultats et d’en tirer des conclusions opérationnelles. Par exemple, une compagnie qui envisage une tournée pourra la planifier en tenant compte des gens qui ont cherché de l’information sur ses productions. L’exploitation de la technologie procure donc rapidement des résultats très concrets.

Ces technologies jouent aussi un rôle important pour le transfert de connaissances et d’expériences. Chacun peut facilement s’informer sur ce qui se fait ailleurs.

Un autre aspect important a trait à la traduction des informations que vous mettez en ligne ou même de vos spectacles. Il existe de plus en plus de communautés internationales de bénévoles capables de traduire vos textes. Vous pouvez les trouver sans trop de difficultés. C’est l’un des avantages d’Internet : quand on s’intéresse à un sujet, on trouve vite d’autres personnes ou des organisations qui s’intéressent au même sujet. Il suffit de faire une recherche bien ciblée sur Google, ou même sur YouTube, en introduisant par exemple les termes « comment traduire une vidéo ».

La technologie permet aussi à des publics très dispersés d’assister en direct à des processus de création. Ces processus peuvent être réalisés simultanément par des artistes physiquement éloignés les uns des autres, car il est possible de connecter en temps réel plusieurs lieux de création.

Il en va de même pour la diffusion. Vous pouvez concevoir la présentation en un seul lieu des performances d’artistes qui se trouvent dans différentes villes, par exemple une salle dotée de plusieurs écrans au milieu desquels s’installe le public.

Sur ces aspects aussi, vous pouvez facilement trouver des informations sur Internet, en introduisant par exemple dans la barre de recherche « voir hors champ ».

Pour atteindre un bon niveau d’exploitation des technologies numériques, il faut bien sûr des investissements, mais ils ne sont pas très importants. Des petites installations suffisent pour ouvrir d’énormes possibilités.

4.3.2   Expériences de la Compagnie Blonba au Mali et en République Centrafricaine, par Jean-Louis Sagot-Duvauroux (France/Mali)

Philosophe et écrivain, Jean-Louis Sagot-Duvauroux a fondé avec Alioune Ifra Ndiaye la compagnie bamakoise Blonba. Il entretient un blog : jlsagotduvauroux.wordpress.com

La Compagnie Blonba est née il y a dix-sept ans de quelques convictions qu’Alioune Ifra Ndiaye et moi partagions et partageons encore.

Tout d’abord, il nous a paru indispensable, au Mali, de faire ressentir aux gens leur propre grandeur.

Pour ce faire, il nous a paru nécessaire d’inscrire la création théâtrale actuelle dans l’histoire du spectacle au Mali, son histoire ancienne (kotèba, maana, conte) et les évolutions qu’elle a connues dans les dernières décennies.

Enfin, nous voulions favoriser la production d’un imaginaire commun aux Maliens. L’art peut mieux que toute autre chose encourager les gens à réfléchir, ressentir puis construire ensemble.

La question de l’argent s’est vite posée. Où le trouver pour un projet orienté vers de tels objectifs ?

Le système de la coopération culturelle française nous a accordé peu d’attention. Son principe est plutôt de transférer ses propres pratiques, celles qu’il juge bonnes. Plutôt que de nous adresser à un guichet dédié, nous avons entrepris de vendre nos spectacles à l’exportation de manière à récolter les moyens d’en créer de nouveaux. De ce fait, nous avons dû penser nos spectacles en tenant compte à la fois des publics maliens et internationaux. La démarche s’est avérée assez efficace. En dix-sept ans, la Cie Blonba a produit vingt spectacles dont quinze ont tourné à l’international.

Une autre réussite dont nous nous vantions a été l’ouverture à Bamako d’une très belle salle que nous parvenions à financer. Malheureusement, le coup d’Etat intervenu début 2012 a provoqué bien des dommages. Cette salle est aujourd’hui un hangar à ciment. Il ne reste plus à Bamako qu’une seule salle bien adaptée et équipée, celle de l’Institut Français. Un demi siècle après l’Indépendance !

Récemment, nous nous sommes engagés dans une nouvelle expérience, au Mali et en République Centrafricaine.

Nous sommes partis en RCA en mai 2015, une période particulièrement troublée. En temps de guerre, la production d’un imaginaire commun est un défi particulièrement important pour contribuer à reconstruire la collectivité. Nous avons joué notre pièce « Dieu ne dort pas » dans les quartiers les plus cassés, qu’ils soient à majorité musulmane ou chrétienne. Nos comédiens maliens, musulmans, ont joué dans ce pays déchiré par des conflits religieux. Ils ont joué l’après-midi, avec un minimum d’équipement. C’est du théâtre à l’état pur, sans artifices. Les spectateurs affluaient. Ils étaient emportés, émerveillés de se retrouver ensemble, heureux de voir les créations que l’Afrique peut produire et ainsi, la grandeur du continent. Ils se sentaient honorés. Dans chaque quartier, des équipes de bénévoles se sont constituées pour nous prêter main forte. Les gens sont anoblis par la confiance qu’on fait à leur créativité et leurs capacités. Ce fut l’expérience de théâtre la plus forte que j’ai jamais connue.

Nous avons ensuite adapté une autre pièce qui est en train de tourner en RCA, et sommes en train de développer un répertoire de spectacles de nature à remplir auprès des publics africains cette mission fondamentale du théâtre.

Au fond, la diffusion de spectacles est assez simple. Elle demande principalement trois choses : un bon spectacle, des publics qui aient de l’appétit, et un minimum d’argent.

La qualité du spectacle est essentielle. On fait avec ce qu’on a, mais il faut aller le plus loin possible dans la qualité. C’est une condition pour que le public se sente respecté et donc un gage de succès.

L’appétit du public est bien là, nous l’avons constaté. Il faut avoir la volonté de l’alimenter.

Quant à la question du financement, on peut lui apporter plusieurs solutions. Dans la tradition malienne, l’expression artistique s’adosse souvent à des personnalités qui financent ainsi la transmission des connaissances, des valeurs et des formes propres au pays tout en y trouvant une occasion de valoriser leur lignée. Au-delà de la question d’argent, cette façon de procéder renforce le lien entre les artistes et la vie sociale. Ces traditions peuvent inspirer des formes nouvelles et innovantes de financement de l’activité culturelle.

Ainsi, nous développons des relations avec des organisations qui ont besoin de communiquer, par exemple en RCA les agences de l’ONU, ou encore des entreprises commerciales. Nous leur demandons d’acheter des places pour les jeunes, les scolaires ou pour leurs employés, et ces préventes nous permettent de financer nos spectacles et nos tournées. Toute personnalité ou tout organisme qui se soucie d’une communication généreuse avec les publics trouve un intérêt à nous soutenir, qu’il s’agisse de personnalités politiques, de firmes commerciales ou d’ONG.

D’autres formules de financement liées à la vie sociale existent et peuvent être réinventées pour aujourd’hui. Par exemple, Serge-Aimé Coulibaly parlait tout à l’heure de prestations artistiques proposées à des mariages.

Sur le plan financier, l’essentiel est la transparence, pour éviter tout soupçon. Il faut des budgets raisonnables dont l’affectation soit claire. Ainsi chacun sait ce qu’il peut attendre. Nous avons mis nos barèmes sur Internet.

La communication sur le spectacle pose peu de problèmes. Là aussi, on peut innover. Nous faisons annoncer nos spectacles par les associations de quartier impliquées dans l’événement. A Bangui, une représentation donnée devant l’église Saint-Paul a été annoncée à la messe. Les réseaux sociaux dont vient de parler Bruno sont aussi un formidable outil.

La question de la langue est décisive. Nous jouons en français et en langue locale, selon les lieux. Au Mali, nous jouons souvent en bamanan. Nous avons décidé de présenter nos spectacles dans les deux versions. Il nous est arrivé de présenter en France un spectacle en bamanan sur titré.

Nous avons formalisé ces expériences en un dispositif intitulé « Culture en partage » dont la description est disponible sur mon blog. Nous avons le sentiment que ce dispositif va générer par lui-même les moyens financiers pour créer les conditions techniques de la circulation des spectacles et la mise en place de centres de vie culturelle et intellectuelle directement connectés à la vie sociale et aux publics populaires. Si ça marche, ce sera une révolution.

Je voudrais pour terminer exprimer ma conviction que nous vivons actuellement une transition historique. La domination occidentale s’effrite et est condamnée – je dis bien la domination, pas la culture occidentale. J’ai épousé une Malienne et suis donc Afro-ascendant par mon fils. Ces situations sont de plus en plus fréquentes et témoignent d’un rééquilibrage du monde. C’est par les acteurs de la culture que cette transition pourra se faire pacifiquement.

Une suggestion pour exciter les neurones. Essayons de transcrire dans les langues africaines des termes issus de l’histoire occidentale tels que citoyenneté, art, contemporain, universel, professionnalisation et tant d’autres. Nous ne trouverons rien qui y corresponde exactement, mais la recherche de ce qui permet d’en rendre compte nous révèle que nous vivons dans un monde à plusieurs voix.

4.3.3   Quelques conditions pour une réinvention des arts de la scène, par Alioune Diop (Sénégal)

Journaliste culturel, Alioune Diop a travaillé d’abord pour la presse écrite, puis pour la radio et enfin pour la télévision. Il travaille actuellement à Radio Sénégal Internationale.

Trois pistes sont essentielles pour réinventer les arts de la scène : la mise en valeur de la diversité des expressions culturelles ; l’exploitation des outils numériques ; des financements pour favoriser la mobilité des artistes et faciliter les résidences artistiques, car la création se nourrit de confrontations, et permettre le développement d’infrastructures pour la création, la production et la diffusion.

Les technologies numériques sont des outils de plus en plus accessibles à toutes les communautés artistiques. Elles peuvent jouer un rôle particulièrement important en Afrique, majoritairement peuplée de jeunes qui les maîtrisent facilement. Elles permettent tous les mélanges, par exemple l’accompagnement de spectacles par des musiques digitales, la création de décors ou l’insertion de vidéos dans les spectacles. Elles facilitent aussi la captation des spectacles, les publications etc.

Toutefois, il me paraît essentiel de veiller à ce que l’exploitation de ces technologies ne se traduise pas par la disparition de certains corps de métier ni par des suppressions d’emplois.

Quant au financement, il faudrait mettre en place des fonds au niveau sous-régional et continental. A cet égard, veillons à ne pas rater l’agenda 2063 de l’Union Africaine qui fêtera alors son centième anniversaire. Mais évitons de remettre en cause les guichets occidentaux.

4.3.4   Le concept Love N’Live, par Rass Nganmo (Cameroun)

Rass Nganmo est l’initiateur du groupe Love N’Live, grand adepte des concerts de rue.

Je suis heureux d’avoir l’occasion de vous présenter le concept « Love N’Live » que nous mettons en oeuvre dans les villes du Cameroun.

Selon moi, plutôt que de réinventer nos arts de la scène, il faut se soucier de les reconnecter à la vision que nous en avons et aux publics que nous voulons atteindre.

Nous restons aliénés. La majorité des acteurs culturels en Afrique pensent encore qu’ils doivent nécessairement se présenter au public dans une boîte, dans une salle à l’occidentale. Or, quiconque parcourt les villages peut voir comment les éléments de vie et d’éducation se transmettent. Dans une assemblée, la scène se déplace sans cesse en fonction de celui prend la parole.

Les arts de la scène ont besoin d’échanges avec leurs publics. C’est ainsi que les artistes pourront amener les gens à une plus grande conscience de la richesse de leurs héritages et de leurs potentiels.

Mon groupe va dans les rues des petits quartiers, le soir, avec peu de lumière. Nous y faisons des performances participatives. Quiconque passe peut se mêler à notre spectacle. Quand on est dans l’expression honnête de soi-même, l’autre le sait, le sent. Nous ressentons le besoin d’explorer ce que l’autre a et que nous n’avons pas. C’est la clé de l’éducation. Nous faisons ce que nous pouvons, nous nous informons du ressenti des gens par rapport à nos interventions, et nous essayons de nous améliorer.

J’ai vécu pendant ce MASA un petit événement fort intéressant. En raison d’un problème de transport à l’international, deux membres de mon groupe ne sont pas arrivés à temps pour notre show case. Nous avons donc dû repenser celui-ci. Ce genre de situation est magnifique car elle interdit aux artistes d’être figés, elle les force à être toujours prêts à s’adapter et se réinventer.

Quant au financement, j’ai une formation d’ingénieur du son qui me permet de trouver des petits boulots. Ceux-ci et les apports logistiques de quelques collègues suffisent pour financer nos prestations.

L’essentiel est de se situer soi-même en tant qu’artiste dans l’histoire, et d’accomplir ce qu’on a à faire à chaque instant, en se souvenant que c’est le plus beau moment de notre vie car hier est déjà passé et il n’y aura peut-être pas de demain.

4.3.5   Échanges avec l’assistance

L’assistance a vivement applaudi les expériences de réintégration des arts du spectacle dans l’espace public rapportées par les orateurs. Les échanges ont toutefois porté sur la question des salles, qui restent des outils importants pour la production et la diffusion. Deux questions ont été abordées.

  1. La mise en réseau des salles existantes

M. Guingané, promoteur du projet Tilgré qui a mis en réseau des écoles de théâtre, a souligné qu’il y a dans pratiquement tous les pays ne fût-ce qu’une ou deux salles privées qui parviennent à se débrouiller. Il faudrait réfléchir aux moyens de les mettre en réseau afin qu’elles soient plus actives et contribuent mieux à la circulation des œuvres et des artistes.

Sur la question du comment, Ayoko Mensah a souligné que plusieurs plateformes digitales ont été créées ces dernières années dans le but de faciliter l’échange d’informations entre les opérateurs, notamment les salles, et partant le développement de réseaux. Elle évoque notamment Sudplanète. Or, ces plateformes ne semblent pas changer grand chose à l’isolement des salles. Les raisons de cette relative inefficacité devraient être approfondies.

  1. Les normes auxquelles les salles doivent répondre

Un intervenant a attiré l’attention sur les normes auxquelles les salles doivent répondre, sur le plan de la sécurité notamment. Cette question devrait impérativement être mieux prise en compte par les Etats qui élaborent des politiques et des règlementations relatives au secteur mais aussi par les responsables de salles eux-mêmes et par leurs financeurs.

5.      Lobbying, financements innovants et développement durable

5.1     Introduction

             Ayoko Mensah, modératrice

La notion de développement durable est une conception du bien commun qui s’est développée à la fin du 20è siècle. Elle implique la prise en compte des aspects environnementaux et sociaux du développement qui sont liés à des enjeux à long terme. Selon la définition donnée par Brundtland en 1987, le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre à leurs propres besoins. Le développement durable repose donc sur trois piliers : un pilier écologique, un pilier social et un pilier économique. Dans le contexte de la mondialisation, il réfère au souci de « penser global, agir local ».

En 2000, les Nations Unies ont adopté les premiers Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). En 2015, ils ont été revus. Depuis lors, il existe dix-sept Objectifs de Développement Durable (ODD) qui doivent guider les politiques de développement jusqu’en 2030.

Malgré de nombreux efforts de plaidoyer, le développement culturel n’a pas été retenu comme un objectif à part entière. En revanche, beaucoup d’acteurs le considèrent comme un objectif transversal, c’est-à-dire qu’il doit être pris en compte dans l’ensemble des politiques de développement.

En outre, depuis 2005, la Convention de l’Unesco sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles nous invite à mettre la culture au cœur des politiques de développement durable.

5.2     financements innovants dans une approche de développement durable

5.2.1   Les partenariats public-privé comme financement alternatif de la culture, par Frédéric Jacquemin (Belgique)

Frédéric Jacquemin dirige Africalia, organisation fédérale belge en charge de la coopération culturelle avec l’Afrique.

Les opérateurs culturels peuvent solliciter divers types de financement. En voici une liste aussi exhaustive que possible :

–          les subventions accordées par des pouvoirs publics locaux et internationaux ; elles existent un peu partout mais représentent des volumes financiers assez faibles et, en Europe du moins, elles ne cessent d’être réduites,

–          les recettes propres, y compris les droits d’auteurs ; elles sont assez faibles dans les ACP en raison notamment de la faiblesse du pouvoir d’achat des populations,

–          les dons et le mécénat privé,

–          le sponsoring, qui s’assimile à une prestation de services des opérateurs culturels envers des sociétés privées ; il concerne surtout l’événementiel et est assorti de lourdes conditions liées à la visibilité des sponsors,

–          la fiscalité directe, qui permet à des contribuables d’octroyer une partie de leurs impôts directement au secteur social ou culturel ; c’est un modèle répandu aux USA et qui commence à s’installer en Europe,

–          la fiscalité indirecte, qui consiste à taxer les entreprises qui utilisent beaucoup de biens et de services culturels, notamment dans le domaine de la téléphonie mobile, et à organiser une redistribution vers le secteur culturel,

–          le crowfunding ou financement participatif,

–          la solidarité internationale de la société civile ; elle tend à diminuer du fait des changements de mentalité qui s’opèrent en Europe,

–          les commande d’Etat, incluant la loi du 1 % relatif aux bâtiments publics,

–          la Délégation de Services Publics (DSP) à des agences,

–          les Partenariats Public-Privé (PPP).

Les PPP sont un mode de financement relativement neuf et assez complexe. Ils se limitent à la mise en oeuvre d’actions ou à la gestion d’établissements dans lesquelles les pouvoirs publics (Etat ou collectivité locale) sont partie prenante. Dans ces partenariats, l’Etat confie une mission à une société privée qu’il rémunère. Les contrats peuvent porter, par exemple, sur la construction, la transformation, la maintenance ou l’exploitation d’équipements publics tels que des hôpitaux, des autoroutes, des centres sociaux, des centres culturels ou des théâtre ; sur la gestion de biens matériels ou immatériels nécessaires au service public tels que des musées, des parcs naturels ou des festivals ; sur des prestations de services au public, par exemple dans les domaines de la santé, de l’éducation, du transport, de l’assainissement ou de la culture. Ils incluent généralement des investissements par le contractant privé, à l’exception de toute participation au capital qui reste propriété de l’Etat, et misent sur une rentabilité à long terme. C’est une formule qui lie désengagement de l’Etat et libéralisation des marchés, une alliance de nature hybride, à mi-chemin entre le simple marché public et la DSP.

Dans le domaine culturel, le secteur privé peut être intéressé par des partenariats avec le secteur public pour divers types d’actions. Il l’est pour des projets à portée commerciale, comme l’exploitation du patrimoine (billetterie, cafeteria, vente de produits dérivés, édition) ou la mise en oeuvre de certains services lucratifs. Il l’est aussi pour des événements qui améliorent sa propre visibilité. Dans certains pays comme la France, le secteur privé est tenu de s’engager en vertu de lois sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE). D’autres sociétés enfin agissent plutôt par philanthropie. C’est le cas de l’Aga Kahn Trust qui cogère le Parc National de Bamako avec les autorités maliennes.

Le secteur privé au sens large, incluant les entreprises et les individus, s’intéresse de plus en plus à la culture. On prévoit d’ici 2020 l’ouverture de plus de neuf mille nouveaux musées et collections privés, pour un total de plus de soixante-dix millions de dollars. Dans le domaine de la musique, on peut déjà citer plusieurs grands festivals, comme en Europe le Heineken Music Festival ou l’Audi Jazz marathon. En République Démocratique du Congo, des sociétés comme Primus et Skoll jouent un rôle majeur pour la culture.

Les PPP présentent des avantages importants. Motivé par la stabilité des contrats et des rémunérations que lui assure l’Etat, le secteur privé apporte généralement des compétences adéquates, utilise des technologies modernes, intervient rapidement et fait preuve de flexibilité. Les PPP permettent à l’Etat de limiter ses décaissements et limite les risques de surcoûts ou de retard. Mais le secteur privé vient-il vraiment en aide au secteur public ? Il n’intervient que si la rentabilité est garantie et il arrive que le secteur public doive payer pour ses défaillances. Les PPP souscrivent à une logique de privatisation des bénéfices et de collectivisation des pertes. Les dispositifs de mise en oeuvre restent à affiner. Il faudrait notamment prendre en compte le décalage temporel qu’ils impliquent : le secteur privé intervient dans le cadre de contrats à durée déterminé et vise des gains à court terme, alors que le champ d’intervention, le patrimoine par exemple, est permanent et que les besoins des publics sont illimités dans le temps. Il faudrait aussi assurer le rôle de garant de l’Etat, le caractère inaliénable du patrimoine et le respect des législations internationales relatives notamment aux droits culturels et à la diversité.

5.2.2   Le Programme Régional de Développement Culturel de l’Union Economique Ouest Africaine, par Komlan Agbo (Burkina Faso)

Komlan Agbo est directeur des Affaires culturelles à la Commission de l’UEMOA.

Le secteur culturel ouest-africain est encore largement sous-exploité. Sa contribution à la croissance reste faible en raison de trois facteurs principaux : la prédominance de l’informel, le manque de dispositifs de financements spécifiques et l’insuffisance des offres de formation ou de professionnalisation.

En octobre 2013, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA a adopté un acte additionnel qui a fait de la culture un nouveau chantier de l’UEMOA, ainsi qu’une politique commune de développement culturel visant à apporter des solutions aux nombreuses difficultés qu’affronte le secteur. En 2014, le Conseil des Ministres a adopté le plan de mise en oeuvre de cette politique, nommé Programme Régional de Développement Culturel (PRDC).

Le PRDC ambitionne de contribuer à valoriser la culture comme source de création de richesses et de rayonnement de l’UEMOA. Dans cette optique, il s’articule autour de deux objectifs : développer un marché régional structuré et attractif des biens et services culturels, et améliorer la visibilité des expressions culturelles de l’espace communautaire.

La mise en œuvre de ce programme nécessite un investissement d’environ seize milliards six cent soixante millions de francs CFA d’ici 2020. La Commission de l’UEMOA fournira 67% de ce montant sur ses ressources propres, 30% seront demandés aux partenaires techniques et financiers de l’UEMOA et 3% aux États membres.

J’en viens au lobbying de l’UEMOA en faveur du PRDC et aux financements innovants qu’elle cherche à mettre en oeuvre.

Dès décembre 2013, la Commission de l’UEMOA a organisé un symposium avec le concours de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), de l’UNESCO, d’Africalia et de la coopération française. Intitulé « investir dans la culture au sein de l’UEMOA », ce symposium a enregistré la participation de plusieurs institutions financières sous régionales, en particulier la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC), la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) et la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ainsi que de la représentation résidente de la Banque Mondiale, de Wallonie-Bruxelles et d’ONG du secteur culturel. Cinq thèmes ont été abordés : les enjeux et défis du développement culturel au sein de l’UEMOA, les dynamiques de gestion des entreprises culturelles, les conditions de durabilité de ces entreprises, le sponsoring et le mécénat culturel, et enfin la coopération et les partenariats public-privé (PPP) pour le financement de la culture. Le symposium a formulé envers toutes les parties prenantes des recommandations qui sont entièrement prises en compte dans le PRDC.

Depuis, la mobilisation continue. L’UNESCO apporte une expertise technique pour la recherche de financements, le développement de partenariats et la formation. La BOAD et la BRVM aident la Commission à identifier et mobiliser des ressources, des apports privés et des opportunités de PPP.

La coopération avec la BOAD et la BRVM se poursuit en vue de créer un fonds de promotion des entreprises et industries culturelles et créatives. En octobre 2015, une première réunion a permis de produire un document conceptuel pour ce mécanisme qui se veut pérenne, innovant, efficace et doté de capitaux diversifiés (régionaux et internationaux, privés et publics).

L’objectif général dudit mécanisme sera de contribuer à la structuration, au financement et au développement des industries culturelles et créatives dans l’espace communautaire. Il aura trois missions : orienter les opérateurs culturels vers les sources de financement les plus appropriées tout en leur offrant un accompagnement qui renforce leurs capacités managériales ; soutenir des entreprises culturelles établies à fort potentiel de durabilité et les encourager à se développer pour avoir plus d’effets de levier ; et contribuer à la visibilité des résultats atteints et de leurs impacts économiques, sociaux et culturels.

Quant à la forme, il s’agira d’un fonds d’investissement au statut de société anonyme, doté d’un volet d’assistance technique. Il disposera d’un conseil d’administration, d’un comité de surveillance ou d’investissement, d’un gestionnaire et de parrains et marraines. Il interviendra de plusieurs façons : prises de participations, dettes subordonnées, subventions et assistance technique.

Outre les investisseurs identifiés pour le démarrage (Commission de l’UEMOA, États membres, BOAD, BCEAO et BRVM), le fonds aura besoin de partenaires diversifiés. Il faudra donc mettre en oeuvre une large campagne de lobbying auprès de partenaires institutionnels comme le Groupe ACP, l’UE, l’UNESCO ou l’OIF, d’institutions financières, d’entreprises du secteur privé, de fondations d’entreprises, d’autres fondations, de chancelleries, de la diaspora, d’icônes culturelles de l’espace communautaire et même de l’ensemble des acteurs culturels.

5.2.3   Échanger les connaissances pour renforcer les capacités et trouver des financements participatifs, par Marc Lints (Belgique)

Marc Lints a travaillé à de nombreuses évaluations de propositions (R&D/multimédias), ainsi qu’au suivi de programmes financés notamment par l’UE. Il est actuellement administrateur du groupe “crowdfunding-financement participatif” de la plateforme capacity4dev développée par l’UE.

Je vais présenter Capacity4dev.eu, une initiative de Europeaid, la direction générale en charge du développement et de la coopération au sein de la Commission européenne. D’abord la plateforme de partage de connaissances, ensuite le groupe axé sur le financement participatif.

La plateforme de partage des connaissances a quatre objectifs : consolider les connaissances et la mémoire institutionnelle, soutenir le développement de l’expertise sur des thèmes variés, soutenir l’échange de bonnes pratiques et d’approches innovantes et aider à identifier des spécialistes, et enfin, favoriser l’apprentissage croisé entre les diverses parties prenantes. La plateforme réunit des membres répartis sur tout le globe : les institutions européennes, les gouvernements et les agences de développement des Etats membres, les organisations internationales, la société civile et les ONG, les universités, les donateurs, le secteur privé et de nombreux acteurs de terrain. Pour vous donner quelques chiffres, elle comptait en janvier 2016 plus de dix-huit mille membres et près de quatre cents groupes de travail dont l’accès peut être public, restreint ou privé, permettant d’accéder à plus de trente deux mille fiches d’information et présentant une cinquantaine de projets. Ceci est important : si vous avez un projet sur lequel vous voulez communiquer, pensez à cette plateforme.

Capacity4dev est donc une plateforme dont le contenu est généré par ses utilisateurs, un espace de collaboration. Les outils destinés à faciliter l’échange d’informations sont entre autres un Wiki, un blog, une librairie documentaire et un calendrier des événements.

La plateforme est utile pour accroître vos capacités personnelles. Elle vous permet de rendre votre expertise visible, d’obtenir l’appui de pairs et d’experts, d’exploiter les outils de collaboration en ligne et d’explorer des projets pour tirer des leçons de leurs expériences. Elle ambitionne aussi de renforcer les capacités générales au service du développement, en permettant notamment de capitaliser la masse de connaissances issues de la mise en œuvre de milliers de projets.

La plateforme ne cesse de se développer. Au cours des douze derniers mois, près de trois mille nouveaux membres l’ont rejointe, soixante nouveaux groupes se sont constitués, dix-sept nouveaux projets ont été présentés et de très nombreux documents ont été ajoutés.

C’est pourquoi je vous invite à rejoindre cette communauté, vous inscrire dans certains groupes ou en créer de nouveaux, afin de faire connaître vos expériences et d’apprendre.

En ce qui concerne le crowdfunding, je voudrais souligner que quatre conditions doivent être réunies pour assurer le succès d’une telle campagne de financement  « par la foule ». Tout d’abord, il importe de bien identifier son public-cible, du premier cercle de connaissances à ceux que les réseaux sociaux permettent de joindre, et d’assurer la formation et le maintien d’un esprit de clan, en assurant notamment une communication régulière. Il faut aussi assurer la crédibilité financière, par exemple en se faisant assister par un comptable, en déposant les fonds récoltés auprès d’un établissement contrôlé et en permettant un suivi des affectations des fonds. Troisièmement, il faut assurer une large communication, par exemple par un plan médias et des clips de promotion. Enfin, il faut rester attentif aux questions de propriété intellectuelle.

Voici pour terminer une liste de quelques plateformes de financement participatif.

http://www.crowdfunder.co.uk/

http://www.globalgiving.co.uk/

https://www.generosity.com/

https://www.helloasso.com/

https://www.kickstarter.com/

http://www.kisskissbankbank.com/

http://fr.ulule.com/

https://www.1001pact.com/

Les plateformes suivantes s’adressent à l’Afrique et au monde arabe.

http://www.cofundy.com/

http://www.cotizi.com/

https://www.fiatope.com/

http://itsaboutmyafrica.com/

http://www.smalaandco.com/fr

http://www.twiiza.com/

http://www.zoomaal.com/home

Il existe aussi des plateformes qui organisent des prêts participatifs à l’intention de particuliers (https://www.hellomerci.com/fr) ou plus souvent d’entreprises :

https://www.angel.me/

https://www.finsquare.fr/

https://lendix.com/

https://www.lendopolis.com/

https://www.unilend.fr/

Quelques sites ressources enfin, qui présentent des expériences ainsi que les facteurs de réussite :

http://www.apce.com/pid14215/crowdfunding.html?espace=1&tp=1

http://www.alloprod.com/annuaire/

http://www.crowdcrux.com/

http://www.goodmorningcrowdfunding.com/

http://www.fundraisingscript.com/?id=shabbir

http://crowdfundbeat.com/2015/04/05/2015-list-of-crowdfunding-websites/

https://www.linkedin.com/groups/4840490

5.3     Lobbying et développement local et durable

5.3.1 Le secteur culturel doit sortir de l’informel, par Vincent Koala (Burkina Faso)

Vincent Koala est directeur-fondateur de la structure Organisation de Dynamisation des Arts et Spectacles en Afrique (Odas Africa).

Le développement durable est un impératif qui s’impose à tous les secteurs du développement. Le secteur culturel est particulièrement concerné car il mêle des dimensions humaines, sociales et économiques et peut apporter une contribution significative au développement durable.

Que faisons-nous pour ne pas manger l’héritage des générations futures ? La question est au cœur de débats depuis de nombreuses années.

Il est essentiel que le secteur culturel soit mieux pris en compte dans les politiques de développement et bénéficie de plus d’investissements. A cette fin, nous devons développer du lobbying à tous les niveaux : au village, dans les communes, au niveau du pays, du continent… En cette matière, il n’y a pas d’outils standard, seulement des expériences dont nous pouvons nous inspirer pour inventer de nouvelles stratégies. Le secteur créatif a cette caractéristiques que les artistes parviennent à créer des émotions en partant de rien. Nous devons le faire aussi dans nos activités de plaidoyer.

Toutes ces nouvelles stratégies devraient prendre en compte trois paramètres : l’économie, le social et la gouvernance. C’est une condition pour convaincre nos interlocuteurs.

Notre contribution à l’économie n’est pas encore suffisamment démontrée, elle manque de visibilité. Or, elle est une condition nécessaire pour améliorer notre statut juridique, social et fiscal. Combien de pays ont-ils adopté un statut de l’artiste ? En Afrique de l’Ouest, j’en compte deux, le Bénin et le Burkina Faso. C’est une avancée, mais encore faut-il que cette mesure se traduise par des actes qui donnent véritablement lieu à une amélioration de la situation des artistes. J’évoquerai la loi du 1% : plusieurs pays l’ont adoptée sans que cela change quoi que ce soit.

A l’heure actuelle, la majorité des acteurs du secteur culturel sont organisés en associations. Il y a très peu d’entreprises privées. Ils restent donc quasi inexistants, invisibles dans la cartographie des acteurs économiques de leur pays. Sans identification sociale, nous restons dans l’incapacité de démontrer nos apports. Nous ne pouvons prétendre être des acteurs économiques si nous échappons à la TVA et ne payons pas d’impôts, si nous continuons à vivre aux frais de la princesse. Ce n’est pas pour rien que la culture a longtemps eu la réputation d’être budgétivore. Notre formalisation en tant qu’entreprises est essentielle pour nous permettre de plaider efficacement et de faire avancer les choses.

Je prendrai un autre exemple des dommages que produit le caractère informel de nos activités, celui des festivals. Quand on leur demande de mesurer leurs impacts sociaux et économiques, ils avancent généralement un chiffre d’emplois. Mais combien d’entre eux fournissent-ils des contrats qui respectent le code du travail et procurent une sécurité sociale aux employés ? C’est plutôt le règne du travail en noir. Combien de festivals payent-ils au bureau des droits d’auteur le forfait dû pour les exécutions publiques ? La plupart y voient une charge inutile.

Si nous voulons nous donner les moyens de tracer notre contribution à l’emploi et à l’économie en général, nous devons adopter des pratiques plus sérieuses. A l’heure actuelle, la majorité d’entre nous ne sont pas des citoyens, et n’ont donc aucun droit de revendiquer quoi que ce soit, par exemple des investissements publics dans la construction d’espaces culturels. On ne peut pas en même temps se donner la posture d’un citoyen soucieux de l’humanité et des droits humains et déroger à toutes ses obligations.

Concernant la gouvernance, la situation est encore plus grave. Le secteur culturel est toujours absent des enceintes où se discutent les enjeux et où se planifient les politiques de développement. Ceci relève d’abord de notre propre responsabilité, notre manque d’organisation, d’unité et de représentativité. Quand on nous demande d’envoyer une ou deux personnes pour participer à des débats, nous en sommes incapables car chacun ne représente que lui-même.

On note cependant des améliorations. En 2012, le Mali a réalisé une étude sur l’impact social et économique de la culture. Elle a montré que le secteur culturel emploie plus de cent cinquante cinq mille personnes et contribue largement à la création de richesses car elle représente 2,3% du Produit Intérieur Brut (PIB). Cette étude a eu une forte influence sur les décideurs. La culture a été pour la première fois inscrite dans la stratégie pour le développement durable et la croissance et s’est vue dotée de deux milliards de francs CFA dans le budget 2015/2016.

C’est seulement un début. Il nous appartient d’aller plus loin. Au Burkina, le nouveau gouvernement semble attentif au secteur culturel. Nous plaiderons pour que le Président lui-même devienne protecteur des arts, des lettres et des artistes. Nous devrons aussi être là à chaque étape du processus de planification des politiques et des programmes de développement.

Un dernier mot. Beaucoup d’artistes se sentent sacrés. Mais ils ne le sont pas, ils peuvent disparaître du jour au lendemain. Nous devons nous débarrasser de cette prétention pour nous rapprocher des milieux économiques et politiques.

5.3.2   Le projet « J’aime ma lagune », par Huguette Ruzibiza (Rwanda-Côte d’Ivoire) et Ingrid Sabatier (France)

Architectes, Huguette Ruzibiza et Ingrid Sabatier participent au projet de développement local et durable « J’aime ma lagune » initié par l’Institut Goethe.

« J’aime ma lagune » est un projet à caractère urbain, environnemental et social. Il a pour objet d’explorer les relations que la ville d’Abidjan et ses habitants entretiennent avec leur plan d’eau, dans le but d’améliorer les perceptions de celui-ci et de promouvoir son appropriation.

Le projet a été initié par l’Institut Goethe d’Abidjan qui a invité deux architectes berlinois (agence : ISSS research & architecture) à participer à un workshop sur la question. Berlin a en effet eu avec son fleuve, la Spree, une histoire mouvementée qui a finalement abouti à en faire une composante très positive de la vie urbaine. Le workshop a permis d’étudier avec des acteurs locaux la situation actuelle de la lagune et son histoire truffée d’incroyables anecdotes, par exemple, la présence à une certaine époque d’un sous-marin transformé en boîte de nuit ou le souvenir d’un compétiteur de ski nautique. Il a abouti à un projet dont l’objectif est de réconcilier la ville et sa lagune, via une appropriation collective de ses berges. Un collectif d’Abidjanais s’est constitué pour mettre le projet en oeuvre.

Le projet a démarré par des actions qui demandent peu de moyens, comme la réalisation du logo, l’impression de tee-shirts et la fabrication de stickers. Le MASA nous donne à présent l’occasion de réaliser des actions telles que des installations artistiques visant à sensibiliser les publics, la peinture d’un long mur dans le jardin du palais de la culture, une exposition de photos qui rappellent le passé de la lagune ainsi que des photos montage – projections vers un futur possible, l’organisation d’une promenade collective sur les berges et une action de ramassage de détritus. A plus long terme, il s’agira de poursuivre les actions de conscientisation de la population, concevoir et aménager des espaces publics sur les berges et, de manière générale, créer un dialogue pérenne entre la population et sa lagune. Ce dialogue se manifeste de différentes manières, peut prendre des formes multiples mais surtout reste ouvert à l’imaginaire.

Nous vous invitons à consulter la page Face book du projet « j’aime ma lagune » et y poster toutes les histoires relatives à la lagune dont vous avez connaissance.

5.3.3   Culture et activisme, par Jahman Anikulapo (Nigeria)

Journaliste et écrivain, Jahman Anikulapo a dirigé plusieurs magazines culturels importants. Il dirige actuellement une organisation nommée Committee for Relevant Art (CORA) et quatre festivals consacrés à la littérature, à la poésie, aux arts et au patrimoine. Il est aussi président du chapitre nigérian d’Arterial Network.

Je suis heureux que le MASA me procure l’occasion de partager mon expérience au Nigéria. J’ai participé à beaucoup d’initiatives culturelles, avec quelques succès et des échecs.

En guise d’introduction, je rappellerai que le Nigéria a connu une longue période de pouvoir militaire et autoritaire qui avait la culture en horreur et cherchait à la détruire par tous les moyens. Il y a à peine cinq ans que le gouvernement a recommencé à s’intéresser au secteur.

Sous le pouvoir militaire, le secteur culturel a dû développer des modèles originaux pour assurer sa survie et son fonctionnement. Les acteurs culturels de terrain ne pouvant compter que sur eux-mêmes, ils ont multiplié les collaborations et le travail en commun. Ceci a eu pour effet d’accroître la qualité de leur production. Trois secteurs sont parvenus à développer des modèles particulièrement efficaces grâce à l’appui du secteur privé : le cinéma, la musique et la mode.

Une fois les militaires partis, nous avons entrepris un important travail de plaidoyer. Les secteurs du cinéma, de la musique et de la mode ont produit des statistiques qui ont été déterminantes pour entrer en contact avec le gouvernement. Avec l’aide de la Banque Mondiale, du British Council et de quelques autres partenaires, nous avons aussi pu produire un mapping qui a témoigné de l’étendue du secteur. Le gouvernement a ainsi perçu la contribution du secteur à l’économie du pays et a commencé à changer de perception à son égard. Il intervient désormais dans la formation, soutient les exportations et développe un système de financement qui n’est pas encore tout à fait opérationnel.

L’exemple du Nigéria montre donc combien il est important de produire des statistiques pour intéresser le gouvernement.

Un autre de nos succès déterminants a été de convaincre le précédent Président de l’importance de la littérature. Nous avons fait appel au prix Nobel Wole Soyinka. Une fois celui-ci et le Président acquis à notre cause, tous les ministères ont suivi. Nous avons par ailleurs amené une grande star du cinéma à parler avec le Président. Suite à cet entretien, le Président a donné trois milliards de dollars au secteur. Pour avoir l’attention du gouvernement, il est important d’avoir celle du Président.

Nous avons aussi organisé une réunion entre des membres du gouvernement et de jeunes entrepreneurs qui travaillent dans les réseaux sociaux. Résultat : cinq millions de dollars pour soutenir le développement de leurs activités.

L’attention que les responsables nationaux ont fini par nous porter nous a permis d’approcher les organisations régionales, en l’occurrence la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Africaine, et internationales comme le Commonwealth et l’Unesco. L’attention qu’elles nous ont portée a à son tour eu des effets positifs.

Un problème demeure : le secteur culturel n’est pas encore assez organisé pour tenir un langage politique cohérent et se présenter comme une communauté unie pour participer efficacement au dialogue.

En définitive, il faut combiner plusieurs moyens d’approche, sans pour autant compromettre le travail artistique.

Concernant le financement de nos activités, l’argent vient principalement de nos collaborations avec le secteur du business. Côté institutionnel, nous semblons moins chanceux que les pays francophones car nous n’avons pas l’Organisation Internationale de la Francophonie. Nous avons toutefois l’Institut Goethe et le British Council qui amènent des artistes à nos festivals et contribuent ainsi à compléter nos programmations.

J’en viens aux partenariats. Notre organisation a démarréavec un esprit assez rebelle, dans un souci de liberté. Depuis que nous avons rejoint le réseau Arterial, il y a trois ans, nous changeons un peu de dynamique et cherchons à diversifier nos partenariats. Par exemple, pour le festival du livre, nous avons approché la chambre de commerce et d’industrie. Ceci nous a permis d’intégrer la foire des industries créatives de Lagos et nous a montré que les collaborations avec les institutions publiques peuvent elles aussi être productives. Nous tentons aussi d’obtenir des crowdfundings mais nous avons eu des résultats mitigés car la sécurité des paiements est encore problématique.

Globalement, la situation s’améliore. Ainsi, en peu d’années, Lagos est passée de deux festivals de musique à une douzaine de festivals qui valorisent toutes les disciplines.

5.4     Échanges avec l’assistance

Les échanges ont porté sur les points suivants.

  1. Les partenariats au sein de Afrique.

S’adressant à M. Jacquemin, une intervenante fait valoir qu’indépendamment des partenariats nord-sud dont il a parlé, il faudrait encourager davantage les partenariats sud-sud. Elle demande quelques exemples de PPP réussis en Afrique.

Selon M. Jacquemin, la France est actuellement le pays où les PPP sont les plus répandus et donnent souvent lieu à des réussites. Ils fonctionnent bien dans le domaine du patrimoine, comme le montre la rénovation du château de Versailles et d’œuvres appartenant aux collections du musée du Louvre. En Afrique, ce type de partenariat est encore peu développé dans le secteur culturel. Le seul dont il ait connaissance concerne le parc de Bamako. M. Jacquemin souligne par ailleurs qu’il est essentiel de renforcer la coopération sud-sud, pour relever notamment le défi de la mobilité des artistes en Afrique.

  1. La participation du secteur culturel à la définition de la politique culturelle de l’UEMOA et la mise en oeuvre de celle-ci.

Tout en saluant les initiatives de l’UEMOA, des intervenants ont jugé souhaitable que cette organisation veille à davantage associer les acteurs culturels à la définition de sa politique afin qu’ils puissent faire valoir leurs priorités. M. Agbo a aussi été interrogé sur les relations que l’UEMOA entretient avec d’autres organisations, notamment la CEDEAO et le fonds de garantie mis en place par l’OIF, en vue d’accroître les synergies entre leurs politiques et leurs actions.

Un intervenant a posé la question concrète de savoir combien de demandes de financement ont déjà été adressées à l’UEMOA et quelle proportion d’entre elles a été retenue.

En réponse à la première question, M. Agbo a indiqué que l’UEMOA invite généralement deux ou trois représentants de chaque pays à ses réunions. Elle encourage les ministères de la culture à envoyer non seulement des fonctionnaires mais aussi des opérateurs culturels. En tant qu’organisation interétatique, elle ne peut pas faire beaucoup plus, si ce n’est inviter quelques acteurs en tant que personnes-ressources.

Concernant les synergies, M. Agbo a précisé que l’UEMOA et la CEDEAO utilisent plutôt le terme « convergences ». Les départements en charge de la culture des deux institutions se rencontrent régulièrement et ces réunions départementales aboutissent souvent à des réunions au sommet. A titre d’exemple, un atelier sur les droits d’auteur et la piraterie se tiendra à Abidjan la semaine prochaine. Quant au fonds de garantie mis en place il y a déjà longtemps auprès de la BIDC, l’OIF, la CEDEAO et l’UEMOA sont actuellement en pourparlers pour déterminer comment ils pourraient collaborer. Les trois organisations souhaitent que les acteurs culturels s’orientent davantage vers les banques telles que la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) ou la BRVM plutôt que vers les fonds publics.

Quant aux demandes de financement, l’UEMOA en reçoit beaucoup. Le département a obtenu, difficilement, l’inscription au budget d’une rubrique « appui aux manifestations culturelles ». Il travaille actuellement à la définition des critères d’attribution du fonds d’appui, qui n’est pas encore opérationnel.

  1. Les paradoxes du financement de la culture en Afrique.

Jean-Louis Sagot-Duvauroux a dit son sentiment que la culture est peut-être mieux financée en Afrique qu’elle ne l’est en Europe. Au Mali du moins, beaucoup d’acteurs, notamment ceux du monde griotique, ont accès à de solides sources de financement et savent les mobiliser. La société malienne met volontiers de l’argent dans la culture. Reste à mobiliser ces affects autour des formes contemporaines de la vie artistique.

  1. L’expérience et la proposition des Halles de Schaarbeek en matière de crowdfunding.

M. Galent a apporté un complément d’information sur le financement participatif. Celui-ci a deux formes : des prêts et des dons. Les prêts ne sont pas avantageux : le taux d’intérêt moyen s’élève à 8,2% et les plateformes qui s’occupent de leur gestion prennent une commission de 5%. Les dons sont bien plus intéressants mais ils nécessitent de construire une solide communauté autour du projet. Depuis trois ans, les Halles s’intéressent beaucoup à ce type de financement et sont parvenues à réunir des moyens à hauteur de neuf cent mille euros pour quatre-vingt projets de développement durable, dont assez peu de projets culturels. M. Galent se dit prêt à aider deux ou trois projets africains à accéder à ce type de financement en vue de leur présentation au MASA 2018. Ces projets devraient de préférence réunir plusieurs opérateurs.

6.      Présentation de la nouvelle édition du « manuel de sonorisation technique » co-édité par africalia et Zhu Culture avec le soutien de l’OIF

6.1     Présentation par Frédéric Jacquemin, directeur général d’Africalia

Africalia est une organisation belge dont la mission est de coopérer avec des opérateurs culturels d’Afrique pour les aider à mettre leurs projets en oeuvre et contribuer ainsi au développement durable. Elle se concentre actuellement sur huit pays – Afrique du Sud, Burkina Faso, Burundi, Kenya, République Démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal et Zimbabwe – où elle apporte un soutien technique et financiers à une vingtaine d’opérateurs. Le Bénin s’ajoutera bientôt à cette liste.

Africalia mène par ailleurs un certain nombre d’actions transversales. Parmi celles-ci, les éditions Africalia qui produisent notamment des ouvrages d’art consacrés à la photographie africaine.

La publication du manuel de sonorisation technique a été initiée par son prédécesseur à la tête d’Africalia, M. Myrko Popovitch. La 1è édition remonte à 2009 et ses mille exemplaires sont écoulés depuis longtemps. Le succès que ce manuel a remporté tant en Europe qu’en Afrique ainsi que les évolutions des techniques de sonorisation ont justifié une nouvelle édition.

M. Jacquemin tient enfin à saluer le travail remarquable que sa collaboratrice Dorine Rurashitse effectue au sein d’Africalia.

6.2     Présentation par Luc Mayitoukou, directeur de Zhu Culture

Zhu Culture est une agence culturelle basée à Dakar. Nous nous intéressons à tous les domaines artistiques (musique, danse, théâtre, mode etc.) et nous consacrons principalement à l’organisation de formations aux différents métiers des arts et du spectacle vivant et à la gestion de carrières d’artistes. Le manuel rédigé par Saintrick a aussi marqué l’entrée de Zhu Culture dans le domaine de l’édition et nous comptons réaliser d’autres ouvrages.

Ce sont nos expériences de formation qui nous ont conduit à concevoir ce manuel. Le secteur culturel a besoin de ressources humaines performantes, notamment au niveau de la technique dont les défaillances peuvent causer beaucoup de dommages aux artistes. Saintrick a conçu tant de supports de formation qu’il a eu finalement de quoi faire un manuel. Celui-ci est vite devenu le livre de chevet de nombreux techniciens qui nous donnent beaucoup de retours. La demande ne cesse de grandir. En plus, les technologies ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Il nous a donc paru nécessaire de faire une nouvelle édition du manuel, actualisée et dans un format non relié qui est plus pratique à utiliser.

Je tiens à remercier toutes les parties prenantes à cette entreprise : Africalia, l’OIF, la coopération belge, ainsi que le ministère de la culture du Sénégal, les ministères de la culture de nombreux autres pays et les directeurs de festivals qui nous aident dans l’organisation de nos formations.

6.3     Présentation par Saintrick Mayitoukou, auteur du manuel

Je suis avant tout chanteur mais je me suis toujours intéressé à la technique car les artistes ont chaque jour à apprécier ou subir la qualité de la sonorisation.

Je voudrais tout d’abord saluer la présence de Cheikh Oumar Cissoko qui a beaucoup investi dans la formation quand il était ministre de la culture du Mali. Je rends aussi hommage à la mémoire de deux techniciens qui nous ont quittés, en particulier Marcelin Yacé qui a contribué à me former.

Le principal défi auquel le secteur culturel africain fait face est à mon sens celui de la formation.

Zhu culture a commencé à faire des formations en 1997. Pendant des années, j’ai utilisé des documents polycopiés. La rencontre d’Africalia nous a enfin permis d’envisager de publier un outil qui soit accessible à tous.

Nous espérons que cette nouvelle édition servira au plus grand nombre de gens intéressés par les techniques de sonorisation, depuis les jeunes qui se cherchent un métier jusqu’aux techniciens qui ont déjà un bon niveau. Les jeunes nous intéressent particulièrement car les métiers techniques des arts peuvent procurer de l’emploi. Il n’y a en Afrique pratiquement aucune école consacrée aux techniques de sonorisation du live, la plupart s’intéressent à l’audiovisuel. Il existe beaucoup de manuels sur ce thème mais la plupart sont très ardus. Nous avons voulu faire un ouvrage accessible, dont les gens aient envie de se servir. Nous voulons faciliter la diffusion et le partage de connaissances afin de rehausser la qualité sonore des spectacles présentés en Afrique. Nous devons tous chercher, toujours, à rajouter de la connaissance dans les métiers qui nous passionnent. On n’a jamais fini d’apprendre, et quand une passion peut nous conduire à un métier qui nous permet de gagner notre vie, il faut s’y adonner à fond.

6.4     Échanges avec l’assistance

Les échanges ont porté sur trois points.

  1. Les critères qui dictent le choix des pays dans lesquels Africalia intervient.

M. Jacquemin a expliqué que ce choix est dicté par le conseil d’administration d’Africalia et s’aligne sur les axes prioritaires de l’ensemble de la coopération belge au développement.

  1. Les façons de se procurer le manuel.

Le manuel est en vente. La précédente édition était vendue 30 euros, soit environ 20.000 francs CFA. Le prix de celle-ci va être revu pour le rendre plus accessible, il coûtera sans doute quinze mille francs CFA. Il sera en vente dans de nombreuses librairies et pourra être obtenu en s’adressant directement à Africalia. La question d’un accès en ligne est à l’étude.

A l’occasion du MASA, l’ouvrage est offert aux directeurs de festivals présents. Ils sont aussi encouragés à en acheter des exemplaires pour les offrir autour d’eux.

  1. D’autres manuels qui seraient utiles.

Un intervenant fait valoir la nécessité d’un manuel qui porterait sur les réglementations techniques en vigueur en Afrique, relatives pas exemple à la sécurité des salles de spectacle.

Selon Luc Mayitoukou, la connaissance des réglementations est en effet une question importante et de plus en plus complexe au fur et à mesure que les festivals grandissent. Elle a de nombreux aspects : les normes de sécurité mais aussi les autorisations nécessaires, les licences etc. C’est un thème qui va bien au-delà de la technique et nécessite une approche globale. Beaucoup d’organisations travaillent déjà à les faire connaître.

7.        Échange d’expériences de festivals

7.1       Festival des Arts de la rue de Grand Bassam (Côte d’Ivoire)

                Présenté par Valérie Boni

Le Festival des Arts de la Rue (FAR) de Grand-Bassam a connu sa dixième édition en décembre 2015. La prochaine édition sera consacrée au thème « arts, flore et faune ».

Le FAR a été créé en 1996 à l’initiative de trois associations culturelles : Ymako Teatri, Toucouleur et Quartier France, qui ont constitué par la suite l’association FAR. Il a démarré avec un tout petit budget. Il a ensuite grandi, atteignant vingt trois mille spectateurs en 2003. La crise en Côte d’Ivoire lui a donné un coup d’arrêt mais depuis quatre ans il se redresse et a reçu lors de sa dernière édition environ six mille participants.

Le FAR, ce sont trois jours de spectacles variés (danse, théâtre, contes, marionnettes, musique, humour, cirque et autres arts de rue), d’expositions d’arts plastiques, pour donner aux gens l’occasion de voir des choses auxquelles ils ne sont pas habitués, d’épreuves sportives et de conférences, le tout accessible gratuitement. L’objectif est de remettre les arts de la rue dans leur milieu naturel, là où ils étaient avant, quand les publics payaient directement les artistes selon leur degré de satisfaction et leurs moyens. Le FAR met l’accent sur la qualité, favorise les rencontres entre les artistes et les habitants chez qui ils logent, veille aux cachets pour garantir que les artistes puissent vivre de leur art, et organise des rencontres entre les artistes de différentes disciplines et de différents pays d’Afrique et d’Europe. Il organise aussi des formations. L’an passé, il s’est agi de formations au conte données par le grand conteur camerounais Binda Ngazolo. Enfin, le FAR organise des animations pour les enfants et des randonnées pédestres.

La présence du sport s’explique par le fait qu’avant le FAR, Grand Bassam accueillait régulièrement une course de mobylettes. Nous avons simplement eu l’idée d’y ajouter une dimension artistique. Le festival donne aussi lieu à une course de pirogues, ce qui correspond également à une très ancienne tradition de la ville, et des courses de rollers et de VTT.

Nous travaillons avec les associations locales. Beaucoup d’entre elles sont actives dans la sensibilisation aux problèmes d’environnement. C’est pourquoi le FAR consacrera sa prochaine édition à l’environnement et notamment au problème de l’insalubrité des lagunes. Ce sera l’objet de conférences et d’ateliers avec les enfants.

Sur le plan financier, nous avons l’appui d’institutions telles que l’ambassade de France et l’Institut Goethe et de quelques entreprises privées. Mais nous ne parvenons jamais à atteindre notre budget prévisionnel.

Cette année nous attendons des troupes de plusieurs pays de la sous-région, de France et du Portugal. Or, faire venir des troupes de l’extérieur coûte cher. Les contacts avec d’autres festivals contribueraient sans doute à faciliter les choses. Nous pourrions créer une chaîne capable d’organiser des mini tournées pour les groupes que nous accueillons.

7.2       Festival Off d’Avignon (France)

                Présenté par Greg Germain

Je commencerai par me présenter et vous faire partager quelques unes de mes aventures.

Je suis né en Guadeloupe, un département français d’outre-mer. En tant qu’acteur, j’ai eu quelques heures de gloire au début de ma carrière mais elles n’ont guère duré car les acteurs noirs ont peu de succès en France.

En 1998, j’ai créé le Théâtre d’Outre-mer en Avignon. Je l’ai nommé ainsi parce qu’il y a en Avignon plusieurs théâtres soutenus par des régions françaises et il m’a paru important de faire comprendre à la population et aux autorités françaises que les artistes d’Outre-mer sont aussi mais différemment français, et que cette différence est une richesse. J’ai rencontré la maire d’Avignon qui a mis à ma disposition une ancienne chapelle dont le nom, chapelle du verbe incarné, m’a paru prédestiné. Au départ, le TOMA a reçu très peu de soutiens. Aujourd’hui, beaucoup de théâtres en France ont des conventions triennales avec l’Etat mais nous n’en avons jamais obtenu, nous devons chaque année retourner au ministère pour demander son soutien. Nous programmons généralement sept spectacles lors du festival dont six produits Outre-mer. Le septième peut venir d’Afrique.

Pendant dix ans, de 2005 à 2015, j’ai aussi présidé la partie Off du festival d’Avignon. Je me suis efforcé que le Off présente des artistes de toutes les parties du monde car aucune culture ne peut prétendre être la métropole des autres ni les ignorer. Ceci m’a amené à créer une agence pour la promotion et la diffusion du théâtre d’Outre-mer dont le principal objectif est de développer les échanges entre les compagnies d’Outre-mer et entre celles-ci et des compagnies d’autres régions.

Le festival d’Avignon est né il y a soixante-dix ans. Le festival Off est né vingt ans plus tard, en 1966. C’est désormais sans nul doute le plus grand festival de France, bien qu’il ne bénéficie d’aucun soutien de l’Etat. Comme le festival In, il dure un mois. L’année dernière, il a accueilli plus de mille trois cent cinquante compagnies et plus de trois mille sept cents diffuseurs et programmateurs.

Comment réaliser un festival aussi important ? En fait, personne ne dirige ni ne contrôle le Off. Le rôle du président et de son équipe se limite à en faciliter l’organisation. Sa programmation et sa réalisation sont laissés à l’initiative des habitants d’Avignon, d’amoureux du théâtre et de structures plus ou moins importantes. Au début, il se déroulait dans des lieux assez improbables. Au fil des années, il s’est mieux organisé et les parties prenantes disposent désormais de matériels tels que des plateaux, des chaises, des gradins. Les compagnies qui veulent s’y présenter louent les lieux et prennent elles-mêmes leur logement en charge. Beaucoup d’entre elles logent chez l’habitant. Les spectacles sont généralement payants. Les visiteurs peuvent prendre un abonnement d’un coût moyen de quatorze euros qui leur donne droit à une réduction de 30% sur tous les billets. Il y a actuellement plus de cinquante cinq mille abonnés.

L’économie du festival Off d’Avignon a fait l’objet d’une étude qui a fourni des chiffres assez impressionnants. Le nombre d’entrées s’élève à plus ou moins un million trois cent mille. Le seul hébergement chez l’habitant rapporte près de six millions d’euros. Les commerces (notamment) de bouche réalisent pendant ces trois semaines du mois de juillet près de 60% de leur chiffre d’affaire annuel. La Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF) réalise quant à elle un chiffre d’affaire de quinze millions directement lié au festival Off.

L’exemple d’Avignon montre que les festivals peuvent se forger une économie particulière. En Afrique, ils pourraient connaître de grands développements, si notamment des sociétés telles que Canal +, Bolloré ou Orange qui gagnent beaucoup d’argent sur le continent leur consacraient plus d’attention et devenaient de vrais mécènes.

Je trouverais très pertinent que les rencontres professionnelles du prochain MASA prennent comme thème « Inventons une nouvelle économie culturelle ».

7.3       Festival Scènes d’Ebène (Cameroun)

                Présenté par Tony Mefe

Le festival de théâtre que j’ai le plaisir de vous présenter est né d’une discussion avec un ancien directeur du Centre Culturel Français (CCF) de Yaoundé, Yves Bourguignon. Nous estimions tous deux qu’il fallait valoriser les jeunes talents camerounais qui n’avaient pas l’occasion de se produire dans les grands festivals du pays tels que les Rencontres Théâtrales Internationales du Cameroun (RETIC). M. Bourguignon a bien voulu accueillir un festival réservé aux talents émergents. La 1è édition a eu lieu en 2005, sous le nom de Scènes nationales du théâtre camerounais. Le festival s’est en effet d’abord limité à la scène camerounaise.

Au bout de quatre ans, pour survivre au départ de Yves Bourguignon et répondre à la demande de jeunes artistes des autres pays de la sous-région, nous l’avons ouvert à l’international et rebaptisé Scènes francophones d’Afrique centrale. Le projet s’est aussi doté de nouvelles ambitions à savoir, promouvoir les jeunes talents et, en particulier et surtout, faciliter la rencontre entre eux et les directeurs de théâtres et d’autres festivals en Afrique et ailleurs. A cet égard, nous avons rapidement obtenu des retombées intéressantes : de nombreux projets que nous avons présentés ont trouvé d’autres dates ailleurs.

Malgré ces bouts de succès, nous éprouvions une grande frustration : les artistes se produisaient dans des salles pratiquement vides. Nous nous sommes alors penchés sérieusement sur la question des publics. Le fait que la plupart des spectacles aient lieu au CCF était en soi un problème, car la majorité des gens ne savent pas où se trouve ce lieu ou pensent qu’il est réservé aux Français. Mais le problème avait aussi un autre aspect : trop peu de pièces s’adressent aux publics de nos pays et parviennent à les toucher.

Nous avons donc revu nos objectifs. Notre priorité est désormais de rapprocher le théâtre des publics locaux. A cette fin, nous avons entrepris deux démarches. La première consiste à décentraliser le festival pour amener les spectacles dans les quartiers. La seconde consiste à proposer des pièces écrites dans une langue accessible au public local et qui abordent des thématiques auxquelles ce public est sensible. Ainsi, nous discutons des textes avec les artistes et nous les accompagnons dans la création des spectacles. Nous les aidons à monter des dossiers de financement et nous efforçons de mobiliser des partenaires (partenaires non seulement financiers mais aussi professionnels, notamment les directeurs d’autres festivals) susceptibles de s’associer à nous. A chaque édition de Scènes d’ébène, nous nous efforcerons désormais d’accompagner la production de trois ou quatre spectacles puis de favoriser leur diffusion afin que les compagnies puissent se confronter aux publics d’autres pays.

Notre budget est devenu plus important depuis notre ouverture à l’international. Nous trouvons quelques appuis institutionnels, particulièrement auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie. Malheureusement, l’octroi de financements publics dépend trop souvent de l’humeur d’interlocuteurs qui connaissent peu de choses au théâtre. Dans le souci d’accroître notre autonomie, nous voulons investir dans la création d’un lieu culturel qui pourra générer des recettes dont nous prendrons une part pour financer nos projets.

Je voudrais ajouter quelques mots au sujet des salles et des réseaux dont il a été beaucoup question lors de ces rencontres, en particulier les réseaux de directeurs de festivals. Amener le théâtre dans les quartiers, dans la rue et les écoles est une très bonne chose. Mais les salles restent nécessaires, il faut soutenir leur développement et assurer leur fréquentation par les publics. Quant aux réseaux, leur développement et leur durabilité se heurtent à plusieurs obstacles. D’un pays à l’autre, nous ne partageons pas les mêmes attachements ni les mêmes préoccupations et surtout, nous disposons de moyens très variables. Il y a deux ans, nous avons tenté d’harmoniser les dates de nos festivals pour que les compagnies puissent mieux circuler de l’un à l’autre. Mais pouvons-nous harmoniser les cachets, qui dépendent des exigences des artistes ? Ce n’est pas évident.

Un mot enfin sur mes attentes par rapport au MASA. J’y suis venu avec vingt artistes. Nous avons trouvé quelques financements, notamment participatifs, pour permettre leur déplacement. Quelques-uns vont présenter des spectacles, d’autres non. Mon principal but est qu’ils puissent nouer des relations avec d’autres artistes et avec des directeurs de festivals et autres lieux de diffusion. En tant qu’opérateur, je me perçois avant tout comme un facilitateur qui peut notamment aider les artistes à monter leurs projets et comme un créateur d’opportunités, grâce à mes relations.

7.4       Lagos Book and Art Festival (Nigeria)

                Présenté par Jahman Anikulapo

En 1991, j’ai débuté comme journaliste et décidé d’être un citoyen activiste dans le domaine culturel. Je rêvais de réunir tous les artistes et autres acteurs culturels et de les associer aux autres acteurs de la société civile pour renforcer les capacités du peuple à participer aux processus politiques. Nous avons finalement décidé de nous concentrer sur la création d’un festival international à Lagos. Notre principale préoccupation était d’assurer la participation des habitants. Nous voulions donner du pouvoir aux artistes. A l’époque, la situation politique était très tendue et aucune activité culturelle n’était autorisée. Les artistes qui voulaient s’exprimer n’avaient que deux options : quitter le pays ou risquer la prison. Nous avons choisi la deuxième. Le risque d’être empêchés de produire est même devenu notre plus grande motivation. Et le combat n’a pas été vain. En 1999, les militaires sont partis et nous étions prêts à fonctionner. Nous sommes parvenus à trouver de l’argent auprès de quelques institutions (notamment l’ambassade des USA et l’Institut Goethe) et de sociétés privées (des sociétés étrangères plutôt que nigérianes), et nous avons lancé le festival.

Le Lagos Book and Art Festival (LABAF) compte en fait deux festivals en un. Quatre jours sont consacrés aux étudiants, trois jours se veulent plus internationaux. Le festival est désormais itinérant à travers tout le Nigéria.

La partie estudiantine est formidable, les étudiants affluent de partout. Notre idéal est resté le même : quelque soit le festival, il faut que la population elle-même en soit le principal acteur. Mais c’est un objectif difficile à atteindre. La plupart des gens se sentent à priori exclus, il faut les convaincre de participer. Ce sont surtout les étudiants qui s’intéressent à la culture. C’est grâce à eux que le cinéma nigérian est devenu si important, la plupart des films sont produits par des jeunes sortis de l’école de cinéma. Les technologies numériques leur permettent de faire facilement des films. Nos activités incluent désormais un festival consacré au film documentaire. Nous demandons aux jeunes de filmer avec un I Phone pour présenter leurs films au festival.

Le principal impact de nos festivals est d’ordre politique. Ils ouvrent des espaces de parole et d’expression. D’un festival en 1999, notre organisation est passée à quatre, et il en existe d’autres désormais. Beaucoup portent sur des questions de gouvernance.

7.5       Oh ! festival (Suisse)

                Présenté par Denis Alber

Je suis musicien, comédien, programmateur, producteur, donc un acteur culturel dans le domaine des arts de la scène. Il y a deux ans, dans le cadre de l’association « Plateforme Culture Valais », nous avons créé un festival dans le canton du Valais, en Suisse, avec l’appui de vingt-deux institutions réparties dans dix villes du canton. Ainsi est né le Oh ! Festival Valais Wallis Arts Vivants.

Il s’agit d’un festival des arts vivants. Nous préférons cette formule à celle d’arts de la scène car elle est plus ouverte. Nous avons accueilli pour la première édition soixante-dix spectacles dont certains font appel à plusieurs disciplines.

Grâce à nos collaborations avec des professionnels qui travaillent dans des institutions, festivals et/ou marchés du spectacle en Belgique, au Québec, en Allemagne, en France et en Italie, le festival accueille non seulement des productions valaisanneset suisses mais aussi des productions internationales. Nous souhaitons servir de porte pour l’entrée en Suisse de ces productions internationales et trouver, à travers ces collaborations internationales, des possibilités de rencontres et d’échanges artistiques sous forme de réciprocité. Le festival vise à étendre le marché de toutes les productions qu’il accueille. Environ soixante professionnels sont venus y assister. Le festival est aussi, bien entendu, un cadre de rencontres et d’échange de pratiques, comme le MASA.

La prochaine édition aura lieu du 18 au 22 janvier 2017. Elle se limitera à six villes et pourra compter sur huit à dix lieux de lieux de diffusion. Nous espérons accueillir au moins une compagnie africaine. Nous souhaitons en effet nous ouvrir davantage à l’extérieur, tout en trouvant des formes de réciprocité sur la base de nouveaux modèles économiques.

7.6       Visa for music (Maroc)

                Présenté par Brahim El Mazned

Depuis plus de vingt ans, je me consacre au développement de l’activité culturelle au Maroc. Je travaille en tant que directeur artistique pour Timitar, festival dédié principalement à la culture amazighe et grand rendez-vous des musiques du monde au Maroc. Je suis directeur général de Visa For Music et je travaille actuellement à la création d’un bureau d’exportation des musiques marocaines, le MoMEx.

Visa for Music est un événement très jeune dont la 1ère édition a eu lieu en 2014 et la 2ème, du 11 au 14 novembre 2015. Il a connu d’emblée un grand succès grâce à un concept inédit au Maroc. C’est un marché de l’industrie musical d’Afrique et du Moyen-Orient. Je parcours depuis longtemps des marchés tels que le Womex, Babelmed, ou encore des marchés en Amérique Latine et en Amérique du Nord. En Europe, chaque année dans plusieurs pays, au moins cinq marchés de la musique ont lieu. Néanmoins ces événements sont encore très rares en Afrique qui est pourtant le bassin des musiques du monde. Le MASA est le plus ancien.

Cette carence nous a inspiré l’idée de créer, à Rabat, un marché qui fédère les artistes d’Afrique du nord, d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient mais également des Amériques et des Caraïbes. L’Afrique et la culture africaine ne peuvent en effet être réduits à son espace géographique.

Visa For Music intéresse beaucoup les acteurs culturels africains, qu’ils résident sur le continent ou ailleurs.

Nous avons reçu six cent candidatures pour la 1ère édition et huit cent pour la 2ème. La sélection est assurée par un jury composé d’opérateurs culturels qui connaissent très bien l’Afrique et ses différentes régions. Ils nous garantissent une programmation qui reflète une Afrique moderne pleine de richesses.

Je suis toujours surpris de constater que sur les marchés occidentaux, les artistes africains les plus mis en avant sont souvent associés à des événements dramatiques comme la guerre, le handicap ou la misère. Pour Visa For Music, nous cherchons simplement des artistes modernes, qui renouvellent la scène africaine. Des artistes de la diaspora, mais aussi des artistes qui ont choisi de vivre sur le continent. Tous ces artistes ont un grand rôle à jouer et nous nous battons pour leur mobilité et pour leur offrir de nouvelles opportunités.

Le programme de Visa For Muisc est composé d’une quarantaine de concerts, de conférences, de projection de documentaires sur la musique et de rencontres avec des professionnels du secteur venus du monde entier. Beaucoup d’artistes obtiennent des tournées très intéressantes, en particulier des tournées en Afrique du nord pour des artistes subsahariens et vice versa.

J’invite donc les artistes à poser leur candidature et les programmateurs à venir à notre prochaine édition qui aura lieu à Rabat du 16 au 19 novembre 2016.

7.7       Festival Panafricain de Musique (Congo-Brazzaville)

                Présenté par Honoré Mobonda

Le Festival Panafricain de Musique (FESPAM) est l’un des plus anciens festivals panafricains consacrés à la musique. Il a été fondé en 1995 par l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) qui en a fait une table à quatre pieds : des prestations de musiciens, un symposium sur les musiques africaines, une exposition d’instruments traditionnels qui doit donner lieu à la création d’un musée panafricain de la musique, et un marché de la musique africaine. Au fil du temps, nous avons ajouté une cinquième jambe : l’organisation d’un concours Miss FESPAM.

Le FESPAM attribue deux prix consacrant la recherche et la muséologie. Le symposium donne lieu à la publication d’actes et les prestations musicales, à la production de DVD.

Le financement est assuré par l’Etat congolais à hauteur de 80%. Le reste vient de divers partenaires : l’Unesco, le Conseil International de la Musique et sa branche africaine, l’Ecole du Patrimoine Africain (EPA), les Etats africains qui financent la participation de leurs artistes, le Musée des Instruments de Musique (MIM) de Bruxelles, le musée de la musique de Ouagadougou et la compagnie d’aviation congolaise Ecair. Nous collaborons aussi avec le MASA et quelques partenaires locaux.

En vingt ans, nous avons acquis de l’expérience et sommes disponibles pour aider les directeurs de jeunes festivals. Mais si nous sommes venus au MASA, c’est aussi pour apprendre, car l’âge ne suffit pas pour tout savoir.

7.8       Festival Sauti Za Busara (Tanzanie)

                Présenté par Yusuf Mahmoud

Je suis d’origine britannique mais j’habite à Zanzibar depuis dix huit ans, et j’ai eu le plaisir d’y créer le festival Sauti Za Busara.

Le festival a lieu chaque année en février. L’appel à candidature pour la prochaine édition est lancé. Nous avons déjà reçu plus de six cent candidatures, alors que nous ne pouvons programmer que quarante groupes.

Sauti Za Busara poursuit trois objectifs : accompagner la diversité des musiques africaines, accroître les capacités du secteur et les compétences de ses acteurs grâce à des formations et faciliter le réseautage.

Le festival vise avant tout à promouvoir la musique des pays d’Afrique de l’Est, c’est-à-direprincipalement la Tanzanie, l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda et le Kenya Nous accueillons vingt-cinq groupes de cette région et quinze des autres régions d’Afrique et de la diaspora.

Notre principal critère de sélection est l’identité culturelle des musiques qui nous sont proposées. En Tanzanie, les musiques américaines et nigérianes occupent une très grande place. Nous recherchons des musiques qui soient plus inspirantes pour le secteur. Nous privilégions aussi les artistes émergents.

Le festival a des retombées importantes pour les artistes qui y participent, en moyenne quatre cent par an. Comme le MASA, il est fréquenté par beaucoup de professionnels, de sorte que les artistes sont généralement invités à tourner dans d’autres événements. Il attire aussi un large public, environ cinq mille personnes par jour.

Nous collaborons avec d’autres festivals, en particulier des festivals d’Afrique australe, des autres régions subsahariennes et d’Afrique du nord. Depuis quatre ou cinq ans, sous les auspices du African Music Development Programme (AMDP) et d’autres organisations, Sauti Za Busara et d’autres festivals du Zimbabwe, d’Afrique du Sud, du Kenya, d’Ouganda, du Congo-Brazzaville etc. échangent des membres de leurs équipes qui restent quelques mois pour aider dans la promotion, le marketing, l’ingénierie du son et autres domaines techniques qui posent des difficultés. Nous collaborons aussi pour organiser des ateliers artistiques et encourager les artistes à réinterpréter les musiques du continent. Ces collaborations sud-sud ont beaucoup d’impacts car nous partageons les mêmes défis.

Notre budget annuel s’élève à cinq cent mille euros dont l’essentiel va aux transports internationaux. Nous n’arrivons presque jamais à le boucler. Nous vendons les tickets d’entrée au prix de un euro pour les gens de la sous-région, vingt euros pour les étrangers. Nous ne recevons pas d’aide du gouvernement tanzanien et très peu des partenaires internationaux et du secteur privé. La durabilité du festival n’est donc jamais assurée, nous devons chaque année déployer les mêmes efforts pour trouver des fonds.

7.9       Le Kolatier (Cameroun)

                Présenté par Luc Yatchokeu

Le Kolatier ou Marché des musiques d’Afrique est un événement biennal dont la 1è édition a eu lieu en 2003. Il est consacré aux musiques du continent et en particulier aux talents émergents qui ont bien moins d’occasions de s’exprimer que les artistes reconnus. Le Kolatier s’efforce aussi de procurer des opportunités de formation à ces jeunes et de les accompagner dans leur parcours.

Les groupes musicaux présentés au Kolatier bénéficient souvent directement de dates auprès des festivals d’Afrique Centrale, en particulier le festival Gabao à Libreville, au Gabon, le festival N’Sangu Nji NJi à Pointe Noire, au Congo-Brazzaville et le NdjamVi festival à N’djamena, au Tchad.

Un partenariat avec le MASA offrira certainement une plus grande visibilité aux groupes musicaux sélectionnés par Le Kolatier. Pour l’édition 2016 du MASA, trois groupes présentés au Kolatier ont été sélectionnés. Il s’agit de Nélida Karr (Guinée Equatoriale), du Collectif HHD (Cameroun) et de Djmawi Africa (Algérie).

Notre appartenance au réseau European Forum of Worldwide Music Festivals (EFWMF) est également un atout.

7.10     Journées théâtrales de Carthage (Tunisie)

                Présentées par Lassaad Jamoussi

Les journées théâtrales ont été créées en 1983 sur le modèle des Journées Cinématographiques de Carthage, avec le même but : contribuer à un brassage entre les cultures arabes et africaines.

Elles organisaient au départ une compétition mais cette formule a été abandonnée pour mettre davantage l’accent sur le caractère de festival et les rencontres entre les cultures.

Ces dernières années, les composantes arabes et européennes du festival ont pris une place trop importante. Nous tenons donc à redévelopper les échanges sud-sud. L’année dernière, nous avons soutenu quatre coproductions qui ont impliqué la France, l’Italie, la Belgique et deux pays arabes. Dans le cadre de la prochaine édition qui débutera le 16 novembre 2016, nous entendons financer une coproduction arabo-africaine.

Le festival s’efforce de s’étendre à tout le territoire tunisien, jusqu’au fin fond des villages. Dans cette optique, nous privilégions les formes légères telles que les marionnettes, les clowns, les conteurs et d’autres performeurs constitués en groupes de maximum deux ou trois personnes. L’an passé, nous avons pu organiser ainsi trois cent représentations de plus de cent spectacles qui ont atteint quatre-vingt mille jeunes. Au total, nous avons atteint cent quatre-vingt mille spectateurs.

Outre les grandes œuvres que nous pouvons programmer dans les théâtres équipés de Tunis et des grands centres urbains, nous sommes très intéressés par les spectacles que pourraient nous présenter des compagnies africaines aussi légères. Nous recevons les dossiers via notre site Internet (www.jtcfestival.com.tn) et mettons tout en oeuvre pour faciliter la mobilité des artistes qui veulent venir.

Petite précision : nous organisons aussi un marché qui accueille des tourneurs et des programmateurs venus principalement du monde arabe et d’Europe. Nous voudrions qu’il y en ait davantage venant d’Afrique, pour favoriser des échanges plus larges.

Nous serons également honorés de relayer sur notre site des informations relatives à d’autres festivals africains.

7.11     Festival du Théâtre des Réalités (Mali)

                Présenté par Adama Traoré

Malgré son nom, le festival n’est pas seulement dédié au théâtre de développement, il accueille aussi des créations d’auteurs qui sont parmi les meilleures du continent. Il ne se limite pas non plus au théâtre. Il programme aussi des spectacles de musique et de danse qui ont eu des suites importantes pour les artistes. Le festival a ainsi servi de rampe de lancement à des groupes de musique qui sont désormais célèbres, et a donné à Kettly Noel l’idée de créer un événement spécifiquement consacré à la danse, le festival Dense Bamako Danse. Outre la programmation de spectacles, le festival inclut un important volet de formations.

Concernant nos moyens, nous travaillons beaucoup avec la coopération décentralisée, en particulier la ville d’Angers qui est jumelée à Bamako et a un festival nommé Toucouleur. Nous entretenons aussi des partenariats avec des réseaux tels que Kya ou la Coalition malienne pour la diversité culturelle, et avec des associations telles que le Cinéma Numérique Ambulant.

En 2006, nous avons commencé à sortir du pays et emmener le festival au Sénégal, au Burkina Faso et au Niger.

Mes attentes par rapport au MASA sont simples. La faiblesse de nos moyens de fonctionnement limite considérablement notre accès à l’information. Je cherche ici avant tout à m’intégrer dans des réseaux d’échanges d’informations.

7.12     Festival International de Théâtre et de Marionnettes de Ouagadougou (Burkina Faso)

                Présenté par Hamadou Mandé

Le Festival International de Théâtre et de Marionnettes de Ouagadougou (FITMO) a été créé en 1989 par le Professeur Jean-Pierre Guingané dans le but de contribuer au développement du théâtre au Burkina Faso. Il a connu en 2015 sa quinzième édition. La prochaine est prévue en novembre 2017.

A partir de 1994, le festival s’est ouvert aux arts de la marionnette. Depuis 2001, il est décentralisé et présente des spectacles dans une dizaine de localités du pays. En 2007, il s’est ouvert à toutes les disciplines artistiques, y compris le cinéma, pour deux raisons : décloisonner les disciplines et répondre à une forte demande du public, surtout en milieu rural. Cette ouverture s’est d’ailleurs traduite par une démultiplication de nos publics qui sont désormais bien plus diversifiés.

En 2010, toujours dans le même souci de renouvellement, nous avons organisé le festival dans trois autres pays enclavés, le Burkina, le Mali et le Niger. En 2012 nous y avons ajouté le Togo. Le FITMO acquiert ainsi la dimension d’un véritable festival d’intégration sous-régionale. La circulation commence au Burkina, où le festival dure huit à dix jours. Ensuite une partie de nos compagnies vont à Bamako où elles sont rejointes par des compagnies maliennes, guinéennes etc. que nous proposent d’autres festivals. C’est la même chose au Niger et au Togo : dans chaque pays, le FITMO prend appui sur le substrat d’autres festivals. Nous avons réussi à mettre en place un réseau fonctionnel.

Le FITMO se veut très ouvert et accueillant. Nous privilégions la rencontre de professionnels confirmés et de jeunes en émergence qui ont peu d’occasions d’être programmés. Nous mettons aussi l’accent sur la formation et la diffusion.

Pour ce qui est de notre fonctionnement, nous avons la chance d’être adossés à l’Espace Culturel Gambidi qui est une structure assez forte. Ceci limite les financements nécessaires au festival.

La raison essentielle qui explique la pérennité du FITMO est la fidélité de nos publics et la confiance que les communautés rurales qui accueillent nos artistes placent en nous.

Le FITMO démontre qu’il est possible de faire beaucoup de choses avec peu de moyens. Il faut y croire et développer la solidarité. Nous parvenons à organiser notre festival dans plusieurs pays quand beaucoup échouent dans un seul.

Nos ambitions désormais sont de nous faire connaître encore plus largement, d’en appeler à toujours plus de solidarité avec nos pairs et de développer de nouveaux partenariats avec d’autres festivals comme celui de Ségou.

7.13     La Fabrique Culturelle (Côte d’Ivoire)

                Présentée par Chantal Djédjé

La fabrique culturelle n’est pas un festival mais un lieu. L’idée de le créer m’est venue au festival d’Avignon où j’ai pu voir un magnifique spectacle présenté par quatre danseurs ivoiriens. Je les ai ensuite interrogés et j’ai découvert qu’ils ne disposaient au pays d’aucun lieu de formation, de création et de diffusion. J’ai donc décidé d’apporter un élément de solution à cet état de fait.

Notre principale difficulté a concerné le financement. Nous nous sommes tournés vers le ministère de la culture et le district d’Abidjan, sans succès. Nous n’avons aucune subvention et devons trouver d’autres moyens de fonctionner. L’accès à nos spectacles est payant, le billet coûte deux mille francs CFA. Nous avons aussi mis en place un espace restaurant qui nous fournit quelques recettes ; chaque fois que quelqu’un vient y consommer quelque chose, il subventionne un peu nos activités culturelles.

La fabrique commence à bien fonctionner. Nous avons des activités de production et une programmation régulière, à l’intention notamment des jeunes publics, ce qui manquait à Abidjan. Nous organisons aussi des formations en création à l’intention de ces jeunes publics.

Je suis convaincue qu’il peut y avoir, en Afrique, une économie de la culture qui nous permettrait d’être moins dépendants.

7.14     Echanges avec l’assistance

Les échanges se sont limités à une question adressée à Jahman Anikulapo : quel impact les festivals ont-ils eu sur la situation politique au Nigéria ?

M. Anikulapo rappelle qu’il a commencé comme activiste. Les impacts politiques des festivals qu’il a créés au Nigéria sont clairs : l’ouverture d’un espace public de réflexion, une récupération de la parole grâce à l’expression artistique et une implication grandissante de la jeunesse dans les questions de gouvernance. Mais M. Anikulapo ne croit pas en l’existence de « success stories » qui pourraient servir de modèles. La première question à se poser est celle de la fonction de l’art dans les sociétés africaines. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de l’art pour l’art, il doit avoir une fonction. La question est donc : comment travailler avec une population très jeune et valoriser sa créativité pour la montrer au pouvoir ? La deuxième question essentielle a trait aux partenariats. Sachant que la majorité de la population vit avec moins de deux dollars par jours, comment pourrait-elle payer pour assister à nos événements ? D’où la nécessité de développer des partenariats avec des institutions telles que la Chambre de Commerce et d’Industrie. Travailler avec le secteur du business est plus difficile. Il y a au Nigéria des églises extrêmement puissantes, nous essayons donc aussi de collaborer avec elles.

8. Conclusions

8.1 Allocution de clôture

Lupwishi Mbuyamba, directeur de l’Observatoire de Politiques Culturelles en Afrique (OCPA)

Nous voici arrivés au terme de ces rencontres.

Nous avions d’abord opté pour un colloque qui donne un cadre et éclaire l’action des professionnels. En septembre, nous avons renoncé à ce format assez classique pour privilégier des rencontres professionnelles. Nous allons prochainement procéder à leur évaluation et sans doute les reconfigurer, en vue de la prochaine édition, afin de préserver leur caractère pratique tout en veillant à la clarté des grandes orientations qui s’en dégagent.

Pour terminer, je voudrais saluer la présence parmi nous de deux personnalités : Korkor Armateifio, qui entre bien d’autres fonctions a assuré la présidence du Comité Artistique International du MASA, et Marcel Diouf, cofondateur et membre du conseil d’administration de l’Observatoire de Politiques Culturelles en Afrique, une organisation née des efforts conjugués de l’Unesco, de l’OUA et de la fondation Ford.

Je remercie tous les participants pour leur présence et les invite à accompagner le MASA au-delà de cette semaine.

J’adresse des remerciements particuliers au directeur général du MASA, le professeur Yacouba Konaté, à Ayoko Mensah qui a magistralement animé ces rencontres, ainsi qu’à l’équipe de rapporteurs dont le travail devrait nous éviter de nous répéter lors de la prochaine édition.

Je laisse la parole à Hamadou Mandé qui va, en quelques mots, tracer les grandes lignes qui se sont dégagées de nos rencontres.

8.2       Synthèse

Hamadou Mandé, professeur d’université, directeur du FITMO, membre de l’OCPA et responsable au sein de l’Institut International du Théâtre (IIT)

Dans sa note de cadrage et d’orientation livrée au second jour des rencontres professionnelles, le Professeur Lupwishi Mbuyamba posait aux panelistes une question fondamentale : comment, dans le tourbillon des évènements du monde, garder le cap, accueillir les apports nouveaux, les intégrer dans une esthétique révisée tenant compte des apports d’ici et d’ailleurs sans trop bousculer le public ni égarer la société dans une forêt touffue de technologies mal maitrisées ? En somme, comment faire pour que la volonté et l’action de l’artiste créateur rencontrent les attentes et les besoins de son public ? Il indiquait trois axes pour orienter la réflexion : la volonté de l’artiste de demeurer, de se faire connaitre et de compter à la fois dans sa société et dans le monde ; la nécessité d’une consécration par les publics d’ici et du reste du monde ; et la nécessité d’une politique d’intégration, une politique culturelle qui devrait être une mise en cohérence réussie d’une représentation du rôle que l’État veut faire jouer à l’activité artistique.

La réinvention des arts de la scène constitue, sans nul doute, une aspiration légitime en phase avec une Afrique en Renaissance. Elle doit tenir compte à la fois de la quête d’une liberté créatrice et de son nécessaire ancrage dans la société africaine tout en prenant en compte les influences positives extérieures.

Au cours des quatre jours de rencontres professionnelles, les questions de financement, de formation, de création, de production, de diffusion, de coopération et de professionnalisation, en somme le besoin d’une politique cohérente, audacieuse et adaptée ont nourri la réflexion sur le thème de cette édition du MASA, « Réinventons les arts de la scène ».

Le constat qui en ressort est que malgré le contexte difficile, l’Afrique possède des artistes de talent et des créations de qualité qui, malheureusement, ne sont pas suffisamment valorisés. Les réalisations actuelles sont largement en deçà des potentialités réelles du continent.

Les échanges ont permis de dégager des perspectives qui devraient contribuer à créer les conditions d’une réinvention des arts de la scène en Afrique.

C’est dans ce sens que les actions telles que la création de fonds culturels africains, la mise en place de cadres de concertations et d’actions pour plaider auprès des gouvernants africains, le développement d’initiatives africaines en matière de formation, de financement et de diffusion et de développement de synergies sont appelés a venir renforcer les fonds nationaux et régionaux existants ainsi que ceux de la coopération internationale, dans un rapport équilibré et assumé.

Ainsi, les débats ont montré que les questions légitimes liées au sens, aux acteurs, aux méthodes et méthodologies de la réinvention des arts de la scène pour laquelle le MASA 2016 nous a invités à la réflexion, trouvent leurs réponses dans la nécessaire reconnexion de l’artiste et de son œuvre avec son public et avec la société, en se nourrissant des richesses du patrimoine culturel africain et en maîtrisant les influences du monde pour se déterminer par son identité propre, sa créativité et sa liberté de créer.

La volonté de réinvention qui est déjà en marche, comme l’a illustré la diversité des expériences présentées au cours de ces rencontres, doit se nourrir des savoirs et savoir-faire locaux et du monde pour redonner du sens à l’art qui doit continuer à irriguer les veines de la société africaine pour fortifier notre identité culturelle. Comme le dit si bien le Professeur Joseph Ki-Zerbo, « L’identité, c’est ce qui constitue quelqu’un dans un rôle assumé. Sans identité, nous sommes un objet de l’histoire, un instrument utilisé par les autres, un ustensile. »

Il s’agit donc de réinventer les formes, le rapport à l’autre et au public, le rapport au temps et à l’espace, pour construire ensemble, conformément à la vision panafricaine exprimée par l’Union Africaine, « une Afrique intégrée, prospère et pacifique, dirigée par ses propres citoyens et représentant une force dynamique sur la scène internationale ».

LISTE ET CONTACT DES ORATEURS

Komlan AGBO
Denis ALBER
Jahman ANIKULAPO
Valérie BONI
Valerio CARUSO
Serge-Aimé COULIBALY
Maud DE LA CHAPELLE
Alioune DIOP
Chantal DJEDJE
Brahim EL MAZNED
Christophe GALENT
Greg GERMAIN
Bruno GUGLIELMINETTI
Kira Claude GUINGANE
Frédéric JACQUEMIN
Lassaad JAMOUSSI
Vincent KOALA
Yacouba KONATE
Marc LINTS
Lupwishi MBUYAMBA
Yusuf MAHMOUD
Hamadou MANDE
Luc et Saintrick MAYITOUKOU
Lupwishi MBUYAMBA
Tony MEFE
Ayoko MENSAH
Honoré MOBONDA
Charlotte MORANTIN
Rass NGANMO
SEM Léonard-Emile OGNIMBA
Valérie OKA
Denise RICHERT
Huguette RUZIBIZA
Ingrid SABATIER
Jean-Louis SAGOT-DUVAUROUX
Rokhaya Daba SARR
Adama TRAORE
Luc YATCHOKEU
Yao YDO

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