Dans la prestigieuse salle de spectacles Niangoran Porquet du Palais de la Culture, l’artiste franco-ivoirienne Sabine Pakora a su captiver, avec sa toute première pièce de théâtre intitulée « La Freak, le journal d’une femme vaudou », son auditoire en incarnant avec un ton satirique les réalités de la vie des Noirs dans un monde dominé par les Blancs. Réactions.
Par Samuel Assougba
Dans une atmosphère de lumière tamisée, le décor est soigneusement établi. Sabine Pakora s’avance avec élégance, accompagnée d’une musique douce, une poussette à la main. De chaque côté de la scène se tiennent des mannequins qu’elle appelle affectueusement ses ‘’supers MaMas’’. Au fond, un miroir trône : c’est le pivot de ses transformations de personnalité. Avec une grâce particulière, elle incarne divers rôles : tour à tour la femme de ménage silencieuse, le directeur de casting sarcastique ou encore le professeur chercheur en « Tchipologie » (ce qui en Côte d’Ivoire signifie « tchrou-logie »). Sa silhouette massive symbolise sa force intérieure, même si, parfois, elle souhaite s’en débarrasser. « Au commencement, il y avait mon corps. On m’a souvent dit qu’on me trouvait belle. Mais côté corps, circulez. Il n’y avait rien à voir. », Se plaint l’artiste sur scène avant d’ajouter : « Mon corps ne se plaint pas. Parfois, il le devrait. Protester pour tout ce qu’on lui faire subir.».
Interrogée à la fin du spectacle, Sabine Pakora a souligné l’importance de questionner les représentations stéréotypées des Africains, déplorant les fantasmes et les angoisses que le continent a pu susciter à travers l’histoire. « L’Afrique a vraiment été un territoire qui a capté beaucoup de fantasmes et d’angoisses. Les Africains ont été montrés comme des monstres dans des expositions universelles. J’avais vraiment besoin de parler de ça ! Parce que c’est quelque chose qui n’est pas assez questionnée pour moi », défend Sabine pour justifier sa pièce de théâtre.
« La freak » ne se contente pas de dénoncer les inégalités raciales, elle met également en lumière les injustices liées aux différences physiques, affirmant que ceux qui sortent des normes sont souvent stigmatisés. « (…). C’est aussi pour dire que toutes les personnes qui sont un peu différentes, différence de corps et de couleur de peau, sont renvoyées à des figures monstrueuses », renchérit l’artiste.
Le défi pour Sabine Pakora était de réadapter son spectacle pour le public ivoirien, tout en conservant la pertinence et la force de son message initial formulé en France. Cependant, les réactions enthousiastes du public abidjanais ont confirmé que son œuvre résonnait également avec le contexte local, ce qui a comblé d’émotion l’artiste. « Les réactions du public ont montré que le texte avait aussi un sens, ici », s’est-elle confiée. Et d’ajouter : « Je suis hyper heureuse en tant qu’artiste d’origine ivoirienne de jouer ici. Pour moi, ça a une force symbolique très forte ».
Cette première représentation à Abidjan marque un moment significatif pour Sabine Pakora, qui se réjouit de partager son travail avec son pays d’origine et de voir son message compris et apprécié au-delà des frontières.
Téléchargez le journal du MASA – édition du 20 avril 2024
Avec les photos des stagiaires de la formation animée par le photographe Dorris Haron Kasco organisée par le MASA.