Humour et démonstrations épiques d’art martial : la Corée du Sud a démontré au public du MASA un pan alléchant de sa culture et de son immense créativité.
Par Siamlo Victoria Sedji
Il n’y a pas que la technologie de pointe qui vante l’image de la Corée du Sud. On connaît bien le pays du matin frais pour ses ingénieux progrès en fabrication téléphonique, mais cette Corée, aussi vivante qu’enjouée, a entraîné le public du MASA venu en masse le soir du 14 avril.
La métropole abidjanaise accueille, du 13 au 20 avril 2024, la 13ème édition de ce marché des arts vivants, dont le vaste programme convoque des diversités culturelles et artistiques multiples.
Pour enrichir son parcours, cette année, les autorités ivoiriennes ont désigné le Rwanda comme pays invité d’honneur. Mais elles ont aussi pensé à désigner un invité spécial : la Corée du Sud, une des principales puissances économiques mondiales.
Dans leur valise pour le MASA, les Sud-coréens ont choisi d’ouvrir le bal avec deux spectacles qui se complètent- l’un plutôt festif, et l’autre plus dramatique, en vue de mieux la représenter.
« Nanta » : de la comédie musicale en pleine cuisine sud-coréenne
C’est par des pas de danses mesurés, des chants et cris de gaieté qu’ils ont fait leur entrée sur scène depuis la tribune du public de la mythique salle « Kodjo Ebouclé » du Palais de la Culture d’Abidjan-Treichville.
En descendant les marches dans leurs costumes de chefs cuisiniers, frappant énergiquement les ustensiles leur servant de percussions, les chefs « Nanta » rejoignent leur « cuisine », la scène, en espérant partager leur histoire et leurs délires avec le public.
L’art et la culture sont catalyseurs d’humanité. Et comme l’amour reste le meilleur art qui puisse exister, l’histoire qu’ils vont égrener prendra forme autour d’un mariage inattendu, dont trois chefs cuisiniers assez créatifs sont tenus de préparer le banquet sur instruction ferme d’un manager exigeant. Cette mission précipitée s’organisera de la plus musicale des manières. Les 4 chefs cuisiniers, pions de la troupe « Nanta », sont de fins artistes. Ils manient les ustensiles comme des instruments. Puis les sons qu’ils produisent font voyager leurs spectateurs. Ce n’est pas un hasard si toute la salle se laisse entraîner.
Spectacle de scène non verbal combinant la percussion traditionnelle coréenne et la comédie, l’effet « Nanta » fait sans aucun doute partie des bonnes ventes de la culture de ce pays d’Asie orientale. Depuis son apparition il y a 27 ans, « il a diverti plus de 15 millions de personnes, à travers 325 villes visitées dans 60 pays », comme l’affirment ses responsables. Des statistiques qui sont la preuve que l’humour occupera toujours une place prépondérante dans le cœur des nations qui veulent forger leur grandeur.
Sur scène, les chefs « Nanta » utilisent des outils de cuisine pour interpréter le « Samulnori », la musique de percussion traditionnelle coréenne. Ils ont cet art dans le sang.
Dans un concert d’instruments, les quatre chefs font voler leurs couteaux en éclat, en hachant les légumes, mesurant leur dextérité. Le banquet s’achève par un roulement de tambours éminemment « captivant », comme pour signifier qu’il est réussi.
« C’était marrant, assez drôle, j’ai beaucoup aimé », confie Audrey Hachem, architecte française assistant pour la première fois à un spectacle coréen de ce type. « C’est un très beau spectacle. (…) Je pense que le mélange culturel est toujours positif. Par exemple ici, les artistes de Corée et les spectateurs forment une très bonne combinaison », renchérit, pour sa part, Jesús Estéban Sanz, acteur culturel espagnol louant la belle communion entre le groupe « Nanta » et le public provenant de divers horizons pour découvrir la Corée du Sud sous un angle différent.
« On a fait un effort pour mettre en avant les rythmes traditionnels coréens pour que les autres citoyens du monde soient amenés à les apprécier. Nous avons été émerveillés par la chaleur du public du MASA. (…) On a voulu, à travers nos rites traditionnels, donner du rire, du sourire et faire connaître la beauté de la culture coréenne », s’est, pour sa part, exprimé Kim Seung Guk, représentant la troupe Nanta.
Lorsque le cirque prend fin, le public en redemande.
Après le cirque, place au « Kukkiwon » pour une performance du taekwondo sud-coréen
Des planches qui craquent et se font expédier par de violents coups de pieds, décapitées par des athlètes hyper entraînés; et le public qui retient frénétiquement puis relâche son souffle, totalement subjugué. La Corée du Sud, invitée spéciale du MASA, a fermé son entrée en matière par une « démonstration de taekwondo » digne des grands maîtres du « Kukkiwon », qui n’est autre que le siège mondial de cet art martial originaire de Corée du Sud.
« Ce qu’on voit, c’est que ce sont des athlètes vraiment entraînés. (…) Les performances que je viens de voir témoignent de ce qu’il ne faut pas rigoler avec l’art martial, et qu’il s’agit en fait de scènes réelles. J’aimerais, par le biais du brassage des cultures, demander – et c’est mon vœu – que les athlètes de la Côte d’Ivoire soient aussi bien entraînés. (…) Leur combativité m’inspire. J’ai été émerveillé par les sauts en hauteur, surtout la suspension de l’un des taekwondoïstes », s’est exclamé Israël Avy, Ivoirien venu découvrir l’art martial coréen.
Le taekwondo vise à entraîner son esprit et atteindre la maîtrise de soi par des mouvements de combat. Rien d’étonnant donc. Sur scène, les taekwondoïstes enchaînent les formes et multiplient les figures les plus célèbres, enjambent et s’affrontent. se superposent et brisent presque tout sur leur passage, sous les hourras et applaudissements nourris du public. Des sifflements montent et se dispersent en écho dans l’assemblée, comme une récompense aux cascades et aux records.
Le public a eu droit à un ballet musical, à des simulacres de combats “rudes” entre des équipes adverses, ainsi qu’à une grande fin de scène multi-colorée faite de danses contemporaines, de “combats dansés” et d’acrobaties.
La Corée du Sud, à travers cet ultime menu d’un “dîner artistique” savamment orchestré, a partagé, puis conquis. Si la culture divertit, elle modélise aussi, puis rassemble les hommes. Une pensée que partage l’ensemble des officiels présents sur ces deux tableaux, notamment la ministre ivoirienne de la Culture, le président de l’Académie mondiale de taekwondo et le maire de la commune de Cocody, également président de la Fédération ivoirienne de taekwondo. Ce dernier a, par ailleurs, exprimé l’ambition de la fédération de s’inspirer de l’expertise coréenne.
« La Fédération ivoirienne de taekwondo est la deuxième fédération au monde après la Corée. Ce spectacle renforce les liens. Ils arrivent de plus en plus les talents ivoiriens. Vous allez voir de plus en plus ce genre de spectacles. Ce pourquoi nous sommes en train de renforcer la coopération entre le Kukkiwon et la Côte d’Ivoire pour plus de démonstrations de ce genre faites par des Ivoiriens », a-t-il dit.
La Côte d’Ivoire et la Corée du Sud ont beaucoup à s’offrir sur le volet culturel. Ce, grâce au MASA, qui se veut plateau d’expression de la diversité où s’ouvrent d’innombrables opportunités pour tous les esprits créatifs.
Téléchargez le journal du MASA – édition du 17 avril 2024
Avec les photos des stagiaires de la formation animée par le photographe Dorris Haron Kasco organisée par le MASA.