La compagnie Fientan de l’Association Art au-delà du handicap (ADH), composée de jeunes danseurs sourds et muets a présenté lors du MASA le spectacle « Adepte de mon être ». Epoustouflant.
Par Zouleyka Cherif
Dans la salle Kodjo Ebouclé, baignée dans une lueur jaunâtre, des jeunes hommes et jeunes filles handicapés, tous sourds et muets, ont transporté le public dans leur univers à travers un spectacle époustouflant. Sous les panneaux lumineux éclairant la question provocatrice « À qui la faute ? », ils ont esquissé une danse poignante, une synthèse parfaite de leurs histoires tumultueuses dans un monde qui souvent les méconnaît.
La scène débute de façon particulière : sur les têtes de tous les danseurs, des cartons exhibent des images décrivant les différentes expressions du visage : la tristesse, la douleur, la peur et le désarroi. Le Djembé résonne et se fait entendre dans toute la salle. Les danseurs pourtant sourds, entament des pas de danse surprenants et pleins de vigueur, tous en accord avec la musique. Quelle magie !
En fait, c’est grâce au système innovant « vibracing » imaginé par leur chorégraphe Yaya Sanou qu’ils étaient synchronisés comme un seul être. Ce système, qui combine la langue des signes, la musicalité, l’écoute, le toucher, le regard et le rapport au sol, leur a permis de danser au rythme de leur propre tempo intérieur. Malgré leur handicap, ils ont captivé le public et illuminé la salle bondée de spectateurs ébahis.
Yaya Sanou, le visionnaire directeur artistique de la compagnie, partage son désir ardent de mettre en lumière le talent artistique de ces jeunes. « La Compagniex Fientan est bien plus qu’un simple groupe de jeunes handicapés. Ils sont déterminés à prouver qu’ils ont toute leur place dans le monde de l’art », affirme-t-il avec conviction. Cette pièce exceptionnelle a d’ailleurs décroché la médaille d’or aux Jeux de la Francophonie à Kinshasa, une reconnaissance bien méritée de leur génie artistique.
« Adepte de mon être » est bien plus qu’un simple spectacle. C’est un voyage émotionnel à travers la vie de ces jeunes, un plaidoyer vibrant pour leur reconnaissance dans une société qui trop souvent les marginalise. Ils aspirent à intégrer pleinement le monde de l’art, et à inspirer d’autres personnes handicapées pour qu’elles croient en leurs rêves les plus fous.
Pendant les 50 minutes du spectacle, les émotions jaillissent comme autant de vagues déferlantes, reflétant les luttes et les victoires de ces jeunes dans une mer agitée. Colère, tristesse et rejet se mêlent dans une symphonie de mouvements gracieux, dénonçant avec force les injustices subies. La scène, envoûtée par leur présence charismatique, devient le théâtre vibrant d’une révolution silencieuse.
Le message universel de cette danse résonne comme un appel vibrant à la compassion et à l’inclusion. Il est temps que la société accorde à ces personnes une place légitime dans tous les domaines. La salle comble leur a fait aux artistes un triomphe éclatant qui a ému aux larmes le directeur artistique. « C’est une opportunité extraordinaire de participer à cet événement. Nous nous battons depuis si longtemps pour faire entendre notre voix, et enfin, le monde nous écoute. »
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Avec les photos des stagiaires de la formation animée par le photographe Dorris Haron Kasco organisée par le MASA.