Sans lumière, pas de spectacle. Sans un régisseur lumière, pas d’artiste. Pour un spectacle, il faut forcément un régisseur son, un régisseur lumière et un régisseur général qui coordonne tout. Mais, le régisseur reçoit–il la reconnaissance qu’on lui doit ? Incursion avec Dao Mamadou, régisseur lumière à la salle Niangoran Porquet, dans le monde de faiseurs de lumière qui restent pourtant dans l’ombre.
Par Sanou A.
Comment travaille un éclairagiste sur un spectacle ?
Quand les compagnies arrivent, elles ont leur « plan de feux ». C’est-à-dire la fiche technique qui indique les directions de la lumière et des couleurs à utiliser. Par rapport à l’installation de la lumière dans la salle, nous adaptons cette disposition à ce qui nous est demandé.
Donc vous restez fidèle à leur plan de feux ?
Oui, oui. Nous faisons ce qui nous est demandé. Souvent en éclairage, les consoles diffèrent. Dès fois, celui qui arrive, s’il n’a pas l’habitude de travailler avec les mêmes consoles que nous, nous devenons comme des « pupitreurs ». Le pupitreur, c’est celui qui maîtrise la console, autrement dit, il est le maître de la console. C’est lui qui montre le fonctionnement de l’appareil. Nous programmons les effets, les scènes. On met sur des curseurs appelés playbacks et on lui donne la main. Nous restons à côté de lui. Puisque lui, il connaît le déroulé de son spectacle.
Mais s’il a l’habitude de travailler avec cette console, il prend la main immédiatement et c’est lui qui fait tout. Il a déjà créé ses scènes. S’il doit envoyer une lumière, une couleur, la couper, c’est lui qui le fait. C’est comme cela pour tous les spectacles.
Depuis combien de temps faites-vous ce métier ?
Personnellement, j’ai débuté par la sono mobile en 1992. J’ai commencé la lumière en 2008. Je me suis auto–formé. J’ai débuté avec les tutos sur Internet. En notre temps, on n’utilisait pas YouTube. Je me suis perfectionné avec les vidéos. J’ai pu connaître les bases. Mais faire la lumière, c’est aussi de l’inspiration. Et l’inspiration, nous l’avons acquise à partir de notre expérience personnelle à travers les concerts, les grandes scènes, les représentations des pièces. On part de ces créations et essaie de les reproduire. Je n’ai pas été dans une école de formation au métier de la lumière ou de l’éclairage.
Quels sont les spectacles difficiles à « mettre en lumière » ?
Je dirais les spectacles de théâtre. Je le dis toujours : le théâtre est la partie intellectuelle de la lumière. On ne peut pas faire la lumière d’une pièce si on n’est pas au montage ou même si on n’est pas membre de la troupe. La lumière au théâtre dépend des scènes. Et, à travers la lumière, on peut faire des couloirs. On exprime les émotions par la lumière. Donc si on n’est pas membre de la troupe, c’est difficile de le faire. Les concerts live de musique, c’est plus facile. On a des créations standards. Mais il est bien d’être avec l’artiste. Parce que lorsque vous connaissez ses chansons, les significations des chansons, vous n’allez jamais envoyer des couleurs chaudes alors qu’il évoque une déception. Si c’est en français, ça va. Mais si c’est une langue que vous ne comprenez pas, ce n’est pas facile.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
C’est généralement le matériel, la console. Si on a l’habitude de travailler sur une console Gramma, si on se retrouve dans une salle où il n’y a pas de Gramma, on est souvent dépaysé et il faut quelqu’un pour nous assister.
Il y a souvent des désaccords entre les artistes et le régisseurs lumières. Ne prenez-vous pas en compte leurs exigences ?
Il arrive que des compagnies nous envoient des fiches techniques. Mais quand elles arrivent, le matériel dont elles ont besoin pour leur éclairage n’existe pas. Au moment où elles demandent des projecteurs « PC », l’éclairagiste envoie des « lyres ». Ça impacte sur leur prestation et ça peut créer des désaccords. Parce qu’en lumière, chaque appareil a son langage.
Pensez-vous que le matériel du Palais de la Culture est adapté aux exigences des artistes ?
Oui. C’est du matériel qu’il faut dans une salle de spectacle. La preuve, il n’y a pas de plainte au niveau de toutes les compagnies qui sont passées par la salle Niangoran Porquet. Elles ont ce qu’il faut.
Les régisseurs lumières ou éclairagistes ne sont pas mis en avant après le spectacle. Est-ce que vous avez des regrets ?
Nous avons toujours travaillé en arrière scène. On ne nous voit pas, ça ne nous gêne pas. Mais, quand à la fin du spectacle, l’artiste remercie tous les techniciens, qu’il dit que c’était bon, c’est une grande satisfaction. Sinon je pense que la reconnaissance est dans ce qu’on fait. Si je suis aujourd’hui au MASA, c’est parce que notre travail est reconnu. Sinon, on ne nous aurait pas appelé.
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Avec les photos des stagiaires de la formation animée par le photographe Dorris Haron Kasco organisée par le MASA.