Didier Awadi était presque le panéliste surprise des échanges autour de la mobilité culturelle. Cependant, le ton de son discours et la franchise avec laquelle il a abordé le thème lui ont permis d’avoir l’assentiment de nombreuses personnes dans la salle. « On a tourné en Europe, beaucoup en Amérique, un peu en Afrique. Parce que, pour nous, le rêve, c’était là-bas ; là-bas qu’on faisait de l’argent. On a fait cela pendant 10, 15 ans. Avons-nous fait de l’argent ? Non. On s’est fait un nom ! On faisait rêver chez nous », a-t-il entamé son discours. Awadi a voulu parler d’argent qui, souvent, dans le milieu des arts est occulté. «On nous dit : vous êtes artistes. Ne parlez pas d’argent. C’est du business. C’est sale. C’est la conception francophone. Oubliez tout ce qu’on vous a dit et commencez à penser anglo-saxon : l’art, la culture, la créativité, l’économie créative égalent à business. S’il n’y a pas de business, il n’y a pas d’art», a-t-il soutenu.
L’ex-membre du groupe Positiv’ Black Soul a reconnu que beaucoup de modèles économiques culturels africains sont aujourd’hui obsolètes. «Il faut les oublier, il faut les enterrer. Cela fait mal à dire, je suis le fruit de ce modèle ; je suis le fruit de la coopération. Je suis le fruit de la subvention. Est-ce que ça a marché ? Non !», a-t-il dénoncé.
Pour lui, la world music est un concept développé par des personnes pour leur propre profit. « Aujourd’hui, je suis dans une autre logique. Je suis un entrepreneur culturel. Ce que je fais me permet de vivre. Donc c’est un business», a-t-il argumenté.
Les collaborations culturelles, a-t-il relevé, doivent se faire dans une dynamique «win-win». «Aujourd’hui, certains commencent à nous écouter. Mais, ce n’est pas ceux qu’on aimerait qui nous écoutent. J’ai l’impression que nos institutions ne voient pas qu’il y a une mutation. Je ne vois pas ici les cultures urbaines. 60% de nos populations sont jeunes. Elles parlent de cultures urbaines. On a l’impression que ce ne sont pas des musiques nobles, c’est de la musique de notre temps. Il faut regarder ce qui se fait aujourd’hui et qu’on les traite avec la dignité qu’ils méritent. Ce n’est pas parce que c’est nouveau que c’est de la merde. Et ça marche. Ils remplissent des stades. Ils rendent fous des gens sur le net. Ils font des scores sur les plateformes», a-t-il invité à jeter un regard sur la jeune génération.
S.A.