Aujourd’hui le MASA célèbre ses vingt-cinq ans et Côte d’Ivoire est fière de l’abriter. Mais combien savent les péripéties et les difficultés rencontrées pour en arriver là. C’est cet exercice de mémoire auxquels se sont livrés des sachants de tout premier ordre lundi 12 mars dernier à la salle Niangoran Porquet du Palais de la culture d’Abidjan. La table ronde organisée à cet effet avait pour thème « Aux origines du MASA ». Un thème fort à propos pour permettre, comme l’a relevé le Pr Yacouba Konaté, modérateur du jour, à ceux qui ont vécu l’aventure du début de venir expliquer. Pour que, à partir de leurs témoignages on puisse mieux comprendre la structuration du MASA, se rendre compte que des défis ont été relevés. Et enfin pour que chaque génération comprenne la nécessité de se mettre à la hauteur des défis de son temps pour faire prospérer l’outil de développement culturel que reste le MASA.
Et l’histoire, c’est à Mme Alimata Salembéré et à M. Jean-Louis Roy, Jean-Marc Desponds, Michel De Bocq, Valen Guédé et Zié Coulibaly qu’il est revenu de la narrer. De façon claire, chacun des intervenants a su captiver l’auditoire en relatant les origines du MASA sous un pan différent. Le gros de l’histoire a été narré par M. Jean-Louis Roy qui au moment de la création du MASA était le Secrétaire général de la Francophonie.
Selon ses propos, Le MASA témoigne du monde et des besoins tels qu’ils étaient à l’époque, une époque où l’Internet n’existait pas. Lorsqu’au début des années 1990 les Ministres de la culture de la Francophonie se réunissent à Liège en Belgique pour rendre compte à leurs chefs d’Etat respectifs des propositions pour la coopération culturelle entre les pays francophones, deux grandes hypothèses se dégagent : la création par l’ACCT de TV5 Afrique, un dossier des plus audacieux vu qu’en 1990 seules deux télévisions internationales existaient dans le monde, c’est-à-dire CNN et la BBC, toutes deux anglophones.
La deuxième demande est qu’une plateforme nouvelle de coopération avec le monde de la culture soit créée. Ce sera le MASA. En plus de TV5 Europe et TV5 Asie, il y aura la création de TV5 Afrique parce que les chefs d’Etat de la Côte d’Ivoire, du Gabon, du Mali, du Burkina Faso, du Togo et du Bénin ont apporté une contribution additionnelle rendant possible la création de la chaine mondiale. Cette étape franchie, l’on se met à réfléchir à la meilleure façon de remplacer les formules anciennes qui n’avaient plus de sens en 1990.
« Du coup, on a regardé un peu ce que les francophones de l’Occident font, a observé M. Roy. Et on a réalisé qu’ils font des marchés culturels, des marchés de l’art où ils amènent les producteurs et les acheteurs à se rencontrer et à échanger. (…) Des ententes se nouent et les créateurs sont payés pour ce qu’ils font et les cachets perçus peuvent leur permettre d’évoluer dans leur travail en finançant de nouvelles productions par exemple. Et c’est comme cela que s’est tranquillement précisée la formule du MASA. »
Mais les choses sont loin d’être aussi aisées puisqu’au sein même de l’institution des oppositions farouches voient le jour pour rejeter l’idée d’un marché africain de l’art, estimant que cela coûte trop cher, que l’Afrique n’est pas prête, etc. A ces oppositions s’est ajoutée la question de la domiciliation du MASA, l’Afrique centrale se sentant délaissée au profit de l’Afrique de l’Ouest. La décision fut donc prise d’installer le marché africain de l’art à Kinshasa au Zaïre, actuellement RDC. Les préparatifs sont entrepris et suivent leur cours quand surviennent les troubles socio politiques qui entraineront la chute du maréchal Mobutu Sese Seko, président de la république. Le MASA ne peut plus s’y tenir comme prévu. Le Togo est alors choisi et l’équipe remotivée se remet à la tâche. Sauf que le président Gnassingbé Eyadema, qui dirigeait alors le Togo, se trouve confronté à une grave crise socio politique. Encore une fois le MASA est annulé. Les opposants au projet se réjouissent voyant leurs prédictions se réaliser.
Et voilà que M. Roy reçoit un coup de fil de Mme Henriette Dagri-Diabaté, alors Ministre de la culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire, qui propose que la Côte d’Ivoire abrite le MASA. Avec Mme Alimata Salembéré ils se lanceront dans l’aventure. Le reste appartient à l’histoire… Dans les jours à venir un livre sur l’histoire du MASA qui va reprendre et les témoignages de la table ronde et des témoignages complémentaires.
Yolande ABY