De la nécessité de changer de modèle économique pour la survie des festivals, des troupes et de leurs productions, il en a été question lors de la table-ronde sur le thème générique du MASA « Quels modèles économiques pour les arts de la scène ? » le mercredi 14 mars 2018, 5ème jour du festival. Sous la modération du président de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) M. Ibrahim Sy Savané, les intervenants ont, loin des discours théoriques, partagé avec l’auditoire leurs expériences en matière de modèle économique.
Par exemple M. Patrice Papelard, Directeur artistique des Invites à Villeurbanne en France a détaillé comment dans sa localité située dans la métropole de Lyon, ils se sont vu obligés de réinventer le modèle économique pour instaurer une politique culturelle locale qui permette la pérennisation des festivals et donne aux artistes la latitude de continuer à créer et à se produire. De toutes les interventions intéressant différents endroits du monde le constat est le même : aujourd’hui il est quasi impossible pour le secteur culturel de compter sur les appuis financiers étatiques. « Malheureusement le budget sur lequel on économise le plus c’est la culture » a déploré M. Papelard. Alors comme ils le reconnaissent tous, ils font appel à des fondations et à des partenaires privés dont les champs d’action cadrent avec leurs cahiers de charge, même si parfois ils se trouvent obligés d’adapter leurs productions aux champs d’action des organismes sponsors.
Dans certains pays où l’appui étatique frôle le niveau zéro et où l’aide à la création et à la production sont quasi inexistants, le modèle économique comme ce fut le cas au Sénégal a été d’instaurer ce que M. Adama Traoré, Directeur du Festival du Théâtre des réalités au Mali a nommé l’économie solidaire, un modèle qui met au premier plan la gestion participative. Coproduire des spectacles et en organiser la promotion et la ‘vente’ à d’autres festivals s’est aussi avéré une expérience enrichissante partagée par M. Traoré. A cette rencontre entre professionnels des arts de la scène il a aussi été question du réseautage, grâce auquel les promoteurs mutualisent leurs forces et leurs capacités.
Venu de la Tunisie, Achref Chargui, musicien et Directeur des Journées musicales de Carthage a partagé sa longue expérience en matière de modèle économique. Pour lui c’est avant tout affaire d’intelligence et d’ingéniosité et il sait de quoi il parle puisqu’il y a quelques années il a réussi sans aucun appui de son gouvernement à organiser un festival. Dans ses propositions pour sortir du modèle ancien, et parce qu’il refuse qu’avec les potentialités énormes des artistes africains- le MASA 2018 en a fait éloquemment la démonstration- il a apporté l’idée de créer une Ligue africaine digitale pour la promotion de l’art. A tous ses confrères présents M. Chargui a lancé l’invitation à le rejoindre lors de la prochaine édition des Journées musicales de Carthage pour porter cette structure sur les fonts baptismaux. Une chose est sûre, c’est que les promoteurs des arts de la scène sont bien décidés à instaurer un modèle économique dont le MASA 2018 a donné le ton à travers des spectacles payants. A cette table ronde sur le thème générique du MASA 2018 participaient également MM. Christophe Galent, Directeur des Halles de Schaerbeek en Belgique et Mamou Daffé, Directeur du Festival sur le Niger au Mali.
Yolande ABY