Cela devient une constante dans le théâtre africain : voir un comédien investir la scène et porter, en solo, tout un texte et la charge émotionnelle qu’il véhicule pour atteindre et transporter le public, quel qu’il soit, dans une aventure introspective.
Stabat Mater furiosa interprété par Mbilé Yaya
L’actrice camerounaise, seule, sur scène, pour crier sa révolte
Mbilé Yaya de la compagnie Annoora, a fait choix de cette option dramaturgique pour sa première prestation sur la scène de l’ Institut Français d’Abidjan le 7 mars 2016. «stabat Mater furiosa» est le titre de cette pièce dont le texte est l’œuvre de l’écrivain français Jean-Pierre Siméon . A côté de la liturgie catholique bien connue qui consacre «stabat Mater dolorosa», «staba Mater furiosa» – quant à lui – ouvre une autre piste. Ici la parole, au-delà de la complainte, se fait accusatrice, invective…
Un jeu osé entre comédie et théâtre
Pour atteindre les profondeurs de son exploration, la comédienne a su se faire engloutir dans ce monde imaginaire, pour ensuite le transmettre par vagues d’émotions successives. Ce, par une mise en scène bien pensée et osée. Le texte est direct, le jeu d’acteur sobre, soutenu par une régie lumière dépouillée… Point de fioritures qui pourraient égarer le public, l’éloignant de sa cible. Tout se résume donc à l’essentiel, c’est-à-dire : le cri de révolte d’une femme, seule face à cet imaginaire collectif qui traduit le mal, la tragédie, la guerre… qu’elle nomme d’ailleurs et à juste titre « l’homme de guerre ». Debout, elle lui lance, de son verbe de femme blessée, meurtrie, souillée, puis furieuse et révoltée… sa colère ; malgré tout, et envers tout, elle reste debout, digne, faisant front au nom de… la vie.
On peut le dire au final, ce spectacle d’une heure a su opérer cette magie dont le théâtre seul a le secret : celui de nous faire (re)visiter les recoins les plus sombres et sales de notre conscience.